PHOTO | CRITIQUE

Zoologie

PElise Heinrich
@12 Jan 2008

Kathryn Hillier a parcouru les musées européens d’histoire naturelle, lieux de mémoire, de classement et d’enregistrement de la vie minérale, végétale et humaine. Son regard incisif en exprime les étrangetés, l’enfermement, et l’état d’abandon…

Lauréate du Festival de mode et de photographie de Hyères en 2005, la jeune Américaine Kathryn Hillier expose à la galerie Philippe Chaume onze photographies qui sont des témoignages de lieux décrépissants, poussiéreux, comme laissés en suspens.

Mais ces lieux ne sont pas tout à fait anodins, ce sont les sanctuaires de notre mémoire collective. Depuis quatre ans déjà, Kathryn Hillier a parcouru les musées européens d’histoire naturelle où sont répertoriés méticuleusement tous les corps observables possibles. Elle a pris le temps de les aborder avec un regard incisif et de les enregistrer.
Ici elle capture un hibou ou des oiseaux empaillés, là elle pérennise la tranquillité d’un musée archéologique, préhistorique, ou d’arts et traditions populaires orientaux. Elle a saisi encore des serres de plantes: luxuriantes et sèches. Finalement, elle remonte le cycle de la vie minérale, végétale et humaine, qui est présentée dans tous ses états: animée, décrépissante, fossilisée, dans du formol, empaillée, décharnée.

Toutefois ses images révèlent une multitudes d’étrangetés. Les serres exposent des plantes en passe de crever (Fly Traps, 2005); un dinosaure a l’air de dérouiller ses vertèbres (Dinosaur, 2003); un hibou et autres volatiles empaillés évoluent dans des branchages somme toute naturels mais un papier kitch tapisse le fond de la vitrine (Owl Diorama, 2004, et Hummingbirds, 2005); une femme préhistorique semble d’attendre patiemment le baiser de son prince charmant (Burrial Exhibit, 2004). Autant d’incongruités dans ces lieux garants de la conservation et de l’éducation…

Kathryn Hillier débusque ce qui est négligé et trace les contours d’un univers cauchemardesque. Ses photographies circonscrivent l’enfermement. Là où on attendait une vue dégagée sur l’extérieur, un lierre obstrue la fenêtre (Parlor Windows, 2005). Ailleurs, un mur nous enveloppe et semble se refermer sur nous (Chinese Exhibit, 2004). Et les serres, lorsqu’elles ne commanditent pas la mort (Plantas, 2005), excèdent de vie et les végétaux étouffent (Estufa).

Pourtant, certains clichés proposent des échappées. Stone Garden (2005) conduit le regard vers le panneau «exit»; Cabinet (2005) laisse une part belle à un reflet de porte de secours; Dinosaur (2003), la plus mystique de toutes les photographies, ouvre le regard à l’extérieur, vers cette lumière bleue et irréelle du monde contemporain…

Kathryn Hillier
— Hummingbirds, 2005. C Print, contre-collé sur aluminium. 80 x 80 cm.
— Parlor Windows, 2005. C Print, contre-collé sur aluminium. 80 x 80 cm.
— Fly Traps, 2005. C Print, contre-collé sur aluminium. 80 x 80 cm.
— Burrial Exhibit, 2004. C Print, contre-collé sur aluminium. 80 x 80 cm.
— Chinese Exhibit, 2004. C Print, contre-collé sur aluminium. 80 x 80 cm.
— Estufa, 2005. C Print, contre-collé sur aluminium. 80 x 80 cm.
— Stone Garden, 2005. C Print, contre-collé sur aluminium. 80 x 80 cm.
— Dinosaur, 2003. C Print, contre-collé sur aluminium. 80 x 80 cm.
— Owl Diorama, 2004. C Print, contre-collé sur aluminium. 80 x 80 cm.
— Plantas, 2005. C Print, contre-collé sur aluminium. 80 x 80 cm.
— Cabinet, 2005. C Print, contre-collé sur aluminium. 80 x 80 cm.

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