La région désertique de l’Arizona sert de point de rencontre, mais les œuvres qui en découlent s’en détachent rapidement. Ni vues éculées sur le désert, ni cow-boys et indiens emblématiques de la culture américaine, l’exposition s’en tient à la surface des choses.
Les impressions venues du désert sont mues en des zones de couleurs indistinctes dans la vidéo Matière et Mémoire de Morgane Tschiember, ou bien en un ersatz de décor avec l’assemblage drolatique d’un cactus et d’une roue de 4 X 4 par John Armleder. La série de peintures intitulée Mohave Valley, de Clairet & Jugnet, ne fait elle aussi que suggérer le motif du désert par le biais de toiles au format proche de celui des hublots, comme pour évoquer une traversée aérienne du désert…
L’Arizona est le territoire de possibles voyages imaginaires. Des masques hybrides de Mathieu Mercier surgissent des figures archaïques. Sous les cloches en verre et les lumières des scénographies muséales, ces masques de football américain, peints en noir, ne sont que l’ombre d’eux-mêmes: les scories d’une culture masculine, aux accents tribaux menaçants.
Autre objet chimérique, étrange et fascinant, visible dans ces cimetières de voitures en plein milieu du désert: l’imposante pièce de Wilfrid Almendra intitulée Mimosa, qui renvoie la machine mécanique et végétale, symbole du progrès, à sa pure beauté perdue.
L’exposition est ainsi conçue que l’Arizona, débarrassé de ses clichés, est aussi aride dans sa partie cachée que dans sa partie visible. Par exemple, Aurélien Froment propose, dans Island of Silence, la maquette d’un iceberg et son envers immergé. Dans A Hole in the Shelf les livres d’une bibliothèque provenant d’Arcosenti, une ville utopique créée dans les années 1970 en plein désert, sont la réminiscence d’histoires entrelacées. Le passé est vu au travers du regard désenchanté porté sur le présent.
La conquête du désert américain correspond, dans l’histoire de l’art, à la recherche d’un ailleurs que les land-artistes ont fait leur. Non pas chercher le motif dans le paysage mais le créer sur place, tout en modifiant les distinctions entre nature civilisée et nature originelle.
Le paysage est toujours le produit d’une culture, un regard sur un lieu. Le monochrome d’Olivier Mosset concentre ainsi le propos de l’exposition. A la fois métaphore et point de vue sur le passage entre territoires, cultures et générations, le rectangle du tableau circonscrit le paysage dans sa forme traditionnelle. Le saut dans le réel n’intervient pas, contrairement à ce qu’invite à croire la photographie. Le tableau devient le vecteur «déceptif» d’impressions provenant du réel. Il ne s’agit plus de se projeter, de se remémorer, ou de se situer dans le paysage. Créer consiste là extraire du réel un paysage à la perspective de plus en plus fermée. Non plus voir le mirage, mais plisser les yeux pour avancer, encore.
Wilfrid Almendra
— After a Long Day of Riding, 2005. Installation.
Olivier Mosset
— Sans titre, 1997. Acrylique sur toile. 184 x 370 cm.
Mathieu Mercier
— Indian Couple, 2003. Installation.
Anne-Marie Jugnet & Alain Clairet
— Lone Mountain, 1999.
— Mohave Valley #17, 2005. Acrylique sur toile. Diam. : 50 cm.
— Mohave Valley #9, 2005. Acrylique sur toile. Diam. : 50 cm.
— Mohave Valley #2, 2005. Acrylique sur toile. Diam. : 50 cm.
— Mohave Valley #5, 2005. Acrylique sur toile. Diam. : 50 cm.
Aurélien Froment
— Island of Silence, 2006. Techniques mixtes. 225 x 100 x 50 cm.
Morgane Tschiember
— Parallèles, 2006. Installation.
— Sans titre, 2006. Diaporama.