DANSE | CRITIQUE

Zeitung

Vernissage le 11 Jan 2008
PMarianne Rapegno
@16 Jan 2008

Le Théâtre de la Ville présente Zeitung, dernière création de la chorégraphe flamande Anne Teresa De Keersmaeker. Suivant sa rhétorique si personnelle, elle signe une production aboutie aux élans canalisés et rythmés par les variations obscures et fugitives de Bach, Webern et Schönberg.

Dans un décor dépouillé, c’est la lumière de Jan Joris Lamers qui habille l’espace ; ce parti pris scénographique donne à la création des allures de répétition. Peu à peu, les danseurs se font signes d’une écriture automatique, qui se dessine comme une improvisation.
Ces corps-signes en équilibre perturbé, improvisent un récit dans une prose décousue. Les partitions des compositeurs allemands et autrichiens nous indiquent l’intensité, tour à tour dramatique et jubilatoire. Fragiles et fluides, les mouvements sont rompus par des postures mécaniques et épurées.

Les chorégraphies d’Anne Teresa de Keesmaeker sont des mesurages d’espace, où les danseurs en solo, duo, trio ou en corps tracent des parcours géométriques, des lignes, des courbes, des distances et des ruptures. Puis, les moments de formalité se diluent dans une danse plus souple, par des jeux d’échos et de mises en abîme.

Dans cette nouvelle création, l’approche moderne du mouvement chorégraphique s’articule, comme à son habitude, au fil d’une variation musicale, cette fois classique. Le contenu émotionnel repose sur cette connexion ténue entre la danse et la musique. Les danseurs de la compagnie Rosas, créée par la chorégraphe en 1983, évoluent pour Zeitung au son d’une partition asymétrique. Les fugues rigoureusement interprétées par Alain Franco, exercices baroques dans lesquels Bach aboutit son contrepoint, alternent avec des œuvres modernes atonales de Schoenberg et de Webern, qui désagrègent l’équilibre harmonique et tonal construit.

C’est sur ce paradoxe musical que tentent de se discipliner les corps balancés entre harmonie et disharmonie. Dix huit pieds nus s’élancent, se cabrent, s’affolent, chutent et parmi eux, une mystérieuse paire d’escarpins rouges.
D’autres éléments anecdotiques sont déposés au cours des tableaux dansés, des gestes du quotidien viennent ponctuer certains mouvements et redimensionnent la chorégraphie à la mesure d’une performance joyeuse et joueuse de laquelle se dégage une belle énergie.

Les solos sont de qualité contrastée et, sous le joug de la musique, le regard s’égare parfois. Ailleurs, quelques silences viennent, en contrepoint, sublimer la danse et révéler des instants de grâce. Un des derniers duo nous étonne dans un corps à corps soumis aux périls de la gravité, nous apprenant comment l’équilibre ne dépend parfois que de l’autre.

A la fin de cette répétition orchestrée, on roule les tapis, on range les chaises, on se rhabille, on s’étire une fois encore et au tombé du rideau, c’est un nouveau soleil qui se lève.

Concept : Anne Teresa De Keersmaeker, Alain Franco
Chorégraphie : Anne Teresa De Keersmaeker
Musique : J.-S. Bach, A. Webern
Vocabulaire de danse en collaboration avec David Hernandez
Décors et lumières : Jan Joris Lamers
Dansé par et créé avec Bostjan Antoncic, Tale Dolven, Fumiyo Ikeda, Cynthia Loemij, Mark Lorimer, Moya Michael, Elizaveta Penkóva, Igor Shyshko, Sandy Williams, Sue-Yeon Youn et Alain Franco piano

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