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Yves Klein, machine à peindre…

Essai construit à partir et autour des écrits d’Yves Klein. Une démonstration en trois temps pour mettre en évidence les paradoxes de l’artiste : sa conception du rôle de l’artiste et de la singularité de l’œuvre d’art face à la désacralisation de l’art qu’il a en partie instauré par ses séries de monochromes.

— Éditeur : Éditions Complicités, Grignan
— Collection : Ô paradis !
— Année : 2003
— Format : 14,50 x 19,50 cm
— Illustrations : 1, en couleurs
— Pages : 90
— Langue : français
— ISBN : 2-910721-56-6
— Prix : 17 €

Avant-propos
par Nicolas Charlet (extrait, p. 7-9)

À la fois acteur et penseur de l’art moderne, Klein est connu pour ses monochromes, ses anthropométries et ses tableaux de feu, un peu moins pour ses écrits. Pourtant il a conçu son œuvre sur le mode d’un dialogue ininterrompu entre peinture et écriture. Le corpus de ses écrits, un fonds d’archives considérable, est resté longtemps inexploité, comme en sommeil. Le travail d’établissement des textes, qui m’a été confié en 1997, vise à redéfinir la place de l’écriture dans la vie de Klein et la signification de ses écrits dans l’histoire de l’art. Une fois inventoriés, transcrits et ordonnés, les papiers Klein ont commencé à parler. Sous le titre Les Écrits d’Yves Klein, ma thèse de doctorat, soutenue en décembre 2002, ouvre la voie au travail d’exégèse. Au moment où l’écrit d’artiste est reconsidéré comme une source essentielle de l’histoire de l’art, les écrits d’Yves Klein, comme auparavant ceux de Malevitch, de Matisse ou encore de Masson, seront vraisemblablement étudiés par la communauté scientifique dans les années à venir.

L’essai qui va suivre s’inscrit dans ce contexte. N’est-il pas curieux de constater le silence manifeste des monochromes en pleine période d’abstraction lyrique, à la veille d’une prise de position de l’artiste face à la société ? Le nouveau réalisme prend acte des mutations socioculturelles de la société de consommation mais la position d’Yves Klein est ambiguë. Elle se veut radicale, plus moderniste qu’aucune autre. Même Malevitch, illustre précurseur du monochrome, est considéré comme un pâle suiveur. Klein met à mal toutes les conventions de l’art, jusqu’à l’extrémité du possible. Il confond le fond et la forme, le modèle et le pinceau, la peinture et l’écriture. « Il vend du vent » écrit Pierre Descargues.

Ce modernisme, un avant-goût du pop art, a marqué durablement notre vision d’Yves Klein. Tel historien américain voit en lui la figure tragique d’un héros de la conquête de l’espace. Tel autre en fait la victime expiatoire du capitalisme triomphant. Après tout, Klein a sciemment favorisé l’émergence de ces mythes.

Un doute s’installe dès lors que l’on prête attention aux écrits de l’artiste et aux dispositifs muséographiques. Ces éléments périphériques prennent une importance anormale : partout où l’on attend un produit banal, on est confronté à un discours et à une mise en scène mystiques. L’aura qui entoure l’œuvre d’art, tel un objet sacré, reste plus que jamais valorisée.

Entre la machine et le sacré, le produit et l’esprit, où donc se trouve Yves Klein ? Si je n’ai pas l’ambition de répondre à cette question, je souhaite alimenter le débat en laissant autant que possible la parole à l’artiste.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions Complicités)

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