— Éditeur : La Lettre volée, Bruxelles
— Collection : Palimpsestes
— Année : 2003
— Format : 18 x 12 cm
— Illustrations : aucune
— Pages : 240
— Langue : français
— ISBN : 2-87317-196-0
— Prix : 18 €
La réponse du berger à la bergère
par Jean-Michel Ribettes (extraits, pp. 46-47)
On est en droit de se demander pour quelle raison une omerta pure et dure de toute la classe intellectuelle couvre la dégradante initiative qui ne veut qu’humilier l’héritage qu’elle prétend promouvoir. Évidemment, Restany a le droit de croire ce qu’il croit. Mais il n’a pas raison de parler de Klein comme il en parle, et je le montrerai.
Que l’auteur, qui ne veut opposer à mes protestations que le passez-muscade de l’irrationalité, sache trouver ici l’exposé des faits et raisons qu’il choisit d’éluder lors de nos conversations. J’ai voulu aérer la maison du Peintre de l’espace et créer les conditions de possibilité d’une réflexion. J’ai voulu, en ouvrant les fenêtres, ouvrir un débat. J’ai voulu écrire pour lever l’omerta qui inhibe la disputatio. J’ai voulu autoriser le rationaliste à contredire l’occultiste, autoriser le freudien à démentir l’ésotériste, autoriser le catholique à réfuter l’alchimiste. Que ce livre soit reçu comme la réponse du berger à la bergère.
Répliquer aux élucubrations du commentateur occultiste et à sa vision d’un Klein absurdement jungien et réactionnaire impose une organisation en deux parties. J’expose d’abord un portrait de Yves le Catholique établissant la rationalité anti-occultiste de l’artiste, son extrême aversion des mystères ésotériques et son immersion notoire dans la théologie de l’Incarnation, que je tiens pour le paradigme de son art.
Je dresse ensuite un réquisitoire Contre Jung. J’établis les présupposés antisémites de l’inconscient collectif, de l’archétype, de l’individuation et de tout le système jungien. Je démontre l’implication directe de son auteur dans le nazisme hitlérien. Je dénonce l’imposture négationniste dont l’idéologie jungiste se fait aujourd’hui un rempart.
Au terme de quoi, je montre que Klein n’a rien affaire avec l’ésotérisme ou l’occultisme en général ni avec Jung en particulier. Quant à Jung, je montre qu’il a affaire avec le nazisme pour l’essentiel, niais rien avec la psychanalyse. On ne manque pas de vouloir, ici et là , atténuer la réalité de ce que je dénonce : la mystification antisémite que forge Jung sous couvert d’inconscient « collectif », la jungisation illégitime que Restany manigance contre Klein. On n’objecte à la dénonciation de ces faits établis qu’à ajouter l’indignité à l’abjection.
Il s’agit de laver le regard porté sur Klein. Il faut nettoyer son art d’une « symbologie » infamante. Il faut l’exonérer de la pollution jungienne, l’affranchir de l’indignité ésotérique. Il faut le blanchir des obsessions spirites inoculées par un critique d’art mesmérisé. Quand on regarde l’œuvre, quand on en commente la signification, ce n’est pas Klein que l’on voit, c’est Restany que l’on croit. Il s’agit donc d’arracher cet art de légèreté et d’éblouissement à la gangue cosmosophique. Une fois dégagée de son habillage négatif, l’œuvre se renouvelle avec une sincérité prodigieuse. Klein rajeuni y gagne spontanément en puissance et légèreté. je fais ici un pari, je mise sur une nouvelle vie de Klein.
(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions La Lettre volée)
L’auteur
Jean-Michel Ribettes, critique d’art et psychanalyste, a une formation universitaire de juriste et de linguiste. Il organise des expositions thématiques pour des musées européens, américains, japonais. Ses publications concernent généralement les déterminations théologiques de l’art contemporain. Il a récemment publié : Le Diaphane et l’Obscur (Paris Audiovisuel); De la théologie de la lumière (Marval); James Lee Byars. L’Attitude de la Perfection (Fondation Cartier); Le Désir d’Antigone : l’hystérie, lhérésie et la mort (Autrement); Art at the Turn of the Millenium (en collaboration, Taschen).