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Yvan Salomone

Les aquarellistes, d’habitude, ça travaille en petit, à l’échelle microcosmique, comme des miniaturistes. Ici, non. Yvan Salomone pratique bien le relevé topographique, mais à sa manière: sur des folios de plus d’un mètre de large, à partir de clichés photographiques ou de vidéogrammes. Non in situ. Pas du genre extraverti ou exhibitionniste à peindre sur le motif.

La galerie Xippas expose trente aquarelles, disposées sur deux niveaux, fixées à la grande cimaise du fond au moyen d’une quinzaine d’épingles chaque. Ce mural fait défiler en un long panoramique des paysages industriels à l’abandon, des décors de films de science-fiction — des paysages d’après le cataclysme ? —, un territoire bel et bien marqué par les traces de l’activité humaine, mais sans la moindre présence de quidam.

Les couleurs n’ont rien de vasouillard, comme cela peut se produire avec toutes ces techniques baveuses qui ne supportent ni retouche ni repentir. Elles sont franches, vives, un peu acidulées, même. Les contours sont nets et précis. C’est d’ailleurs la sûreté du trait avec lequel les objets étranges sont représentés ainsi que le choix de certaines teintes qui fait que, face à tant de désolation, on songe naturellement à Chirico.

Yvan Salomone a choisi des zones portuaires un peu partout dans le monde. Dans l’expression «zone portuaire», on retient d’abord la notion de «zone». Il ne s’agit certes pas de celle des fortifs autour de Paname où traînassaient les «Apaches» au début du siècle passé, ce no man’s land romantique, positivé par le cinéma naturaliste ou par la chanson dite «réaliste». Si le terrain est vague, il n’a rien de vierge.

Si les vues sont relativement variées, se pose tout de même la question du pittoresque, pas celui du Saint-Malo intra-muros, pimpant, flambant neuf, après sa reconstruction au lendemain de la guerre, mais celui d’une imagerie post-industrielle, au goût douteux, de paysages interchangeables, donc sans plus aucun port d’attache. Ce pittoresque, à la longue, peut être aussi complaisant que le premier.

Yvan Salomone gomme les référents, les signes distinctifs de la délocalisation, l’ADN de la reconnaissance immédiate et cherche ce qui relie ces barges et ces berges, ces docks désaffectés, ces stocks abandonnés, ces dépôts de matériaux usinés, usés, rouillés protégés par des barrières métalliques ou des barbelés. De fait, sa circumnavigation est surtout imaginaire. 

Yvan Salomone
30 aquarelles sur papier. 95 x 138 cm
  

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