Yuki Onodera
Yuki Onodera
Née à Tokyo en 1962, Yuki Onodera installe son atelier à Paris en 1993, et expose depuis lors son travail dans le monde entier. Yuki Onodera se pose la question de savoir ce qu’est la photographie et ce que la photographie peut faire. Cette réflexion la conduit à une pratique insolite qui dépasse en fin de compte le cadre de la «simple» photographie: elle insère une bille dans l’appareil photographique, ou se rend de l’autre côté de la Terre pour prendre des photos sur la base d’une histoire construite à partir d’un fait divers ou d’une légende. Elle est aussi reconnue pour ses travaux originaux et artisanaux, comme les tirages manuels sur papier argentiques de grande taille (2 mètres et plus), ou la coloration à l’huile sur tirages noir et blanc.
Chaque photographie de Yuki Onodera est le résultat de petits décalages volontaires insérés dans le circuit de l’information. Yuki Onodera accède ainsi à d’autres niveaux de réalité, les enjeux de la perception constituant l’essence même de sa démarche.
La Maison Européenne de la Photographie présente, dans l’exposition qu’elle lui consacre, trois séries de l’artiste: Transvest, Eleventh Finger, ainsi que Muybridge’s Twist, un travail inédit.
La série Transvest, commencée en 2002, est toujours en cours. Les silhouettes ne sont pas obtenues par prise de vue de personnages réels, mais proviennent d’images préexistantes, sélectionnées dans des journaux ou des magazines, découpées et photographiées à contre-jour. Les silhouettes ne sont pas des ombres simples, des fragments d’autres images y sont insérés: montagnes, éléments d’architecture baroque, ronds dans l’eau d’un lac, bonbons, ruines, tatouages amérindiens, foule, voitures, insectes, fêtes, ballons qui éclatent… Les personnages, nommés «Krio» ou «Rosa», etc. ne sont autres que l’ensemble des images diverses et variées, sombres à la limite du discernable. Leur corps incarne ainsi un monde au-delà du temps et de l’espace et sont représentés à taille réelle au tirage.
Dans la série Eleventh Finger (2006), les photos sont prises à la hanche, pour laisser s’exprimer les attitudes et les mouvements inconscients. Les visages des modèles sont cachés par la technique du photogramme, avec un papier ajouré comme de la dentelle qui apparaît en blanc sur le tirage. L’absence de visage fait perdre le sens des gestes qui peuvent en devenir comiques, à moins d’y voir une réflexion sur le droit à l’image, effectivement possible. Le papier sur les visages est décoré de motifs tantôt concrets tantôt abstraits, ajourés à la main par l’artiste. L’à -plat du photogramme fait un vif contraste avec le gros grain de la partie photo. Le «onzième doigt» du titre réfère aux dix doigts du modèle auxquels s’ajoute celui qui appuie sur le déclencheur de l’appareil.