Communiqué de presse
Marlie Mul
Your Wet Sleeve In My Neck
L’articulation — ou partie articulante — comme composante structurelle joue un grand rôle dans l’exposition «Your Wet Sleeve in My Neck». Dans chacune des oeuvres présentées, la partie articulante est présentée à la fois comme une simple composante, mais aussi comme la matrice d’un ensemble plus vaste, dans le but d’interroger l’acte de «fabriquer des choses».
Selon Heidegger, une «chose» se définit par son rapport à un ensemble d’autres éléments; or ici, les composantes structurelles acquièrent des propriétés différentes selon les contextes particuliers dans lesquels elles se trouvent placée: on peut donc dire que l’« articulation » ou la partie articulante est comparable à la chose heideggérienne dans la mesure où elle est un objet autonome dont l’implémentation repose sur sa relation avec d’autres parties.
Elisabeth Grosz conforte cette approche dans son article Notes on The Thing: «La chose est à la fois pré-technologique et post-technologique, elle est un donné que la technologie s’approprie en le transformant. En ce sens, on doit concevoir la technologie comme chose au second degré, comme chose qui trouve et fabrique d’autres choses, comme elle-même a été fabriquée».
Dans les oeuvres présentées ici, l’articulation «trouve et fabrique d’autres choses, comme elle-même a été fabriquée»: la partie articulante est interprétée comme «solution apportée à un problème de conception» et comme matérialisation du phénomène de la technologie, symbole d’une intervention humaine, donc incarnation de la «chose au second degré».
En tant que composante structurelle, l’articulation occupe une position déterminante dans l’expression du tout. Elle est à la fois issue d’un matériau et productrice d’un autre matériau. Parce qu’elle tient ce double rôle de partie et de matrice d’un ensemble plus large, l’articulation comme «chose au second degré» trouve et fabrique «d’autres choses».
On comprend ainsi qu’un matériau possède des qualités ou des caractéristiques structurelles et esthétiques avant même d’être intégré à un processus de fabrication. Sur le plan technique, une articulation s’apparente à une chose en ceci qu’on ne peut la considérer comme un résultat définitif. C’est d’abord parce qu’elle associe, relie, connecte ou véhicule que l’articulation prend le rôle de chose, prépare un nouveau matériau ou génère une structure.
On peut donc envisager la chose comme un facteur actif, comme un catalyseur d’expression, d’innovation et de «fabrication des choses». Les choses subissent ainsi une transformation et deviennent d’autres choses, d’autres objets identifiables ou «nommables». L’objet est donc un construit formé à partir de choses qui n’ont de rôle ou de valeur que lorsqu’elles participent de la totalité qu’un objet constitue.
Dans l’exposition «Your Wet Sleeve in My Neck», Marlie Mul poursuit son exploration de la fonction et de la représentation des matériaux. S’appuyant sur leurs caractéristiques intrinsèques, elle produit des objets interrogeant les notions de «fabrication», de «processus ou d’«innovation». Remettant en cause leur expressivité d’entités autonomes, Marlie Mul décèle une activité cognitive dans l’expérience matérielle; ainsi, alors que l’on considère habituellement le processus artistique comme un processus continu débouchant sur une oeuvre unifiée, elle souligne au contraire la nature fragmentaire de la création.
Son travail jette donc un regard critique sur les idées de savoir-faire et d’autonomie, ainsi que sur la position de l’artiste à leur égard. Comme le souligne le titre même de l’exposition, les oeuvres présentées utilisent des matériaux pour leurs propriétés, leur expression et leur fonction intrinsèques — la légèreté, l’irrégularité et la rigidité du polystyrène expansé; la courbure, la souplesse et la tension du bois; le drapé et la fluidité du textile; la précision et la flexibilité des tubes en plastique. Tous ces matériaux se soutiennent mutuellement pour former des structures indépendantes.
critique
Your Wet Sleeve In My Neck