ART | EXPO

Your history is our history

23 Nov - 05 Jan 2013
Vernissage le 23 Nov 2012

En se situant à cheval sur une année finissante et la promesse d’une nouvelle, cette exposition s’inscrit à l’épicentre d’un «Turning Point» chargé de bons souvenirs mais aussi de plus noires pensées. S’inspirant de deux ouvrages faisant référence à Los Angeles, René-Julien Praz se remémore ainsi trente années dédiées à l’art contemporain.

Edgar Arceneaux, John Baldessari, Andrea Bowers, Guy de Cointet, Philip-Lorca diCorcia, Jean-Gabriel Domergue, Sam Durant, Peter Harkawik, Julian Hoeber, Joel Kyack
Your history is our history

Un sentiment nostalgique, doux amer, sollicite ma mémoire au travers de deux ouvrages qui ont été inconsciemment des «tournants» plus importants que je ne le prévoyais alors.

Le premier fait référence à Klaus Mann et à son autobiographie publiée au milieu des années 1940, dans laquelle, Klaus Mann, dans un effort désespéré, peine à trouver sa place dans une Europe qui n’est plus la sienne. Il écrit alors les plus belles pages de la «littérature de l’émigration». (Klaus Mann, The Turning Point, New York, V. Gollancz ltd., 1942)

Le second fait référence à un roman à succès publié dans les années 1980 par l’écrivaine franco-américaine Yvone Lenard au charmant titre de Chantal. Une histoire romanesque derrière laquelle affleure une réalité moins flamboyante, moins exotique que celle vécue par cette belle héroïne. Totalement à l’opposé l’un de l’autre, ces deux ouvrages font référence à Los Angeles, ville inspirante à l’origine de mon grand saut dans le monde de l’art contemporain.

Sans ces rencontres et ces séjours fréquents dans cette mégapole, je n’aurais jamais eu connaissance du foisonnement exceptionnel qui nourrit cette ville jusqu’à lui fournir les moyens de rivaliser avec sa grande sœur de la Côte Est. Mann et Lenard sont ainsi devenus les ancrages d’une histoire qui m’habite depuis plus de trente ans, inspirée peut-être par cette confession rousseauiste: rien de tout ce qui m’est arrivé durant cette époque chérie, rien de ce que j’ai fait, dit et pensé tout le temps qu’elle a durée n’est échappé de ma mémoire. Les temps qui précèdent et qui suivent me reviennent par intervalles; je me les rappelle inégalement et confusément; mais je me rappelle celui-là tout entier comme s’il durait encore.

Ces écrits résonnent en moi comme une litanie, un disque ivre, un film en débandade, chaque pan d’histoire dévide une mémoire jusqu’à poser le problème de la frontière entre le réel et l’imaginaire car le rapport avec l’antériorité amène la question de ses représentations mais aussi le regard porté aujourd’hui sur l’événement narré.

Bergson fixe cette problématique sur la reconnaissance et la survivance des images. Il y a une adéquation de l’image présente à la chose absente dont la mémoire a gardé la trace. C’est ce mode de lecture du fait raconté que je souhaite aborder dans «Your History is Our History», titre emprunté (bien que modifié) à l’exposition de David Salle et Richard Phillips en 2010 à New York. Non seulement votre histoire est la nôtre, mais la nôtre est la vôtre. Je vous convie bien volontiers à cette intrusion mémorielle.

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