Éric Pougeau, Salla Tykkä, Gillian Wearing, Emmanuelle Antille, Patty Chang, Gina Pane, Agnès Varda
You are my mirror 1: l’infamille
Du « Familles, je vous hais » gidien, aux ambiances vitriol et sulfureuses des dernières sorties littéraires ou de la production cinématographique – Chabrol, Vinterberg, Bergman, Almodovar, pour n’en citer que quelques-uns – la famille ou plutôt « l’Infamille » semble un thème d’inspiration inépuisable. Échanges conflictuels, problèmes intergénérationnels, secrets ou non-dits, Å’dipe mal résolu, rapports fusionnels ou possessivité,
amour vache, voire sadisme… voici égrenés quelques morceaux choisis de défaillance familiale : des données multiples pour une équation
aux variables infinies. L’érosion du modèle familial traditionnel, le déclin de la figure patriarcale et la contestation de l’omniprésence de la mère ont fait voler en éclat les apparences lisses et consensuelles « des possessions jalouses du bonheur1 » pour révéler les failles des relations entre individus d’une même « tribu ».
Les artistes nous proposent un regard à rebours des conventions sociales et soulèvent les sujets épineux qui hérissent le long fleuve tranquille de l’amour filial/familial… À travers des vidéos ou photos, ils/elles tentent de mettre en évidence l’artificialité des normes qui régissent nos vies et les échanges sociaux. Tensions et frictions (Gillian Wearing, Salla Tykkä), ambivalence des sentiments et des désirs (Emmanuelle Antille, Patty Chang), figure protectrice et étouffante de la mère (Gina Pane), immixtion dans la sphère de l’intime, possessivité perverse (Éric Pougeau) ou simplement érosion des sentiments (Agnès Varda), émaillent un parcours aux vertus cathartiques. Car, après tout, ces regards mêlés d’amour
et d’humour, poursuivent le récit, bien connu depuis la tragédie antique, de la difficulté d’aimer.