En poussant la porte de la Galerie Martine Aboucaya, un écho d’applaudissements parvient jusqu’à nous, mettant à l’honneur un artiste trop rarement montré en France. Quelques mètres plus loin, on découvre la source de cette ritournelle: la vidéo d’une performance réalisée par Anthony McCall en 2007 à Rochechouart dont le résultat est, comme il se doit dans une telle occasion, salué. Et il faut rajouter: rejoué, car il se présente comme la répétition d’un happening réalisé en 1974 à New York.
Ainsi le travail d’Anthony McCall ne cesse d’aller et venir, d’entretenir un dialogue fait d’évocations entre ses réalisations présentes et ses premières œuvres conçues dans les années 70.
Ce mode opératoire s’explique sûrement en partie par une carrière artistique interrompue pendant plus de vingt ans et reprise que récemment, au tournant du nouveau millénaire.
Dans les années 70, Anthony McCall est une des figures de proue du cinéma expérimental, se situant au croisement d’une réflexion sur la création cinématographique et des enjeux suscités par la scène artistique. Il réalise alors ses premiers Solid Films, qui, avec une économie de moyens, s’appuient sur la spécificité du médium cinéma. Il en résulte une œuvre composée en grande partie par l’architecture de la lumière émanant d’un projecteur 16 mm. Il pousse ainsi le cinéma sur le territoire toujours plus élargi de l’art contemporain.
L’exposition à la Galerie Martine Aboucaya joue bien sûr ce va-et-vient entre hier et aujourd’hui, en présentant notamment des documents photographiques et vidéos d’actions menées en 1972. On découvre des travaux qui témoignent de l’intérêt d’Anthony McCall pour l’art conceptuel et le Land Art.
Plus loin, l’artiste présente les dessins de projets en plein air à venir. Dans un espace complètement transformé, ces œuvres semblent constituer les étapes d’un cheminement vers quelque chose de plus grand, de plus mystérieux, vers le territoire de l’expérience visuelle et perceptive.
Au fond de la galerie se terre You and I, Horizontal III, une œuvre d’ombre et de lumière. On reste un instant, hésitant, peut-être un peu inquiet aussi, sur le seuil de la porte, avant de s’engouffrer complètement dans l’obscurité. On cherche où se placer, sur le côté, en marge, entre les deux faisceaux qui strient l’espace ou sur la frontière que délimite la lumière.
Sur le mur, projeté, un ensemble de lignes et de courbes sinusoïdales semblent évoluer à volonté. Ces motifs ont remplacé les formes géométriques simples du début tout comme le projecteur 16 mm a été remisé au profit d’un vidéo projecteur et d’un logiciel qui gère le mouvement de l’animation.
Soudain, une fumée s’échappe venant densifier la lumière, la matérialiser, invitant le spectateur à l’expérimenter physiquement. D’abord intrigué, on passe la main délicatement, laissant peu à peu tout le corps s’immerger.
Cette sensation rappelle les images d’un film de science-fiction, le passage dans un état nouveau, dans une dimension inconnue. L’espace d’un instant, le monde extérieur semble s’évanouir. Ne reste que le contact entre deux corps.Â
Anthony McCall
— Water Table, 1972. Six tirages photo noir et blanc encadrés. 27,6 x 35,3 chacun.
— Five-Minute Drawing, 1974-2007. Vidéo d’une performance de 1974 rejouée à Rochechouart en 2007.
— Leaving, 2008. Série de 12 dessins sur papier. 31 x 43 cm chacun.
— Leaving with Travelling Wave, 2007. Série de 4 dessins sur papier. 31 x 43 cm chacun.
— Landscape for White Squares, 1972. Film 16 mm transféré sur dvd, couleur, son. 3,20 mn.
— Earthwork, 1972. Film 16 mm transféré sur dvd, couleur, son. 2,20 mn.
— You and I, Horizontal III, 2007. Vidéoprojection horizontale. Cycle de 30 minutes en 2 parties.