Communiqué de presse
Boris Mikhailov
Yesterday’s sandwich – 1960-70
La Galerie Suzanne Tarasiève présente la nouvelle exposition de l’artiste ukrainien Boris Mikhailov qui présente pour cette occasion une nouvelle série de photographies.
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L’anecdote est connue, racontée régulièrement. A elle seule, elle éclaire la démarche de Boris Mikhailov.
Chargé de construire un reportage pour l’entreprise d’état dans laquelle il travaille en tant qu’ingénieur, il emprunte l’appareil photographique et réalise des vues érotiques de sa femme. Démasqué par le Kgb, il est aussitôt renvoyé.
Sa vie, il va désormais la gagner comme photographe populaire. Il circule autour de Kharkov sa ville natale en Ukraine, réalise des portraits et, à l’occasion, retouche de vieilles photos de famille qu’on lui apporte.
A partir de cette expérience, il acquiert la conviction que la photographie n’est pas le médium objectif que l’on vante. Avant même l’ère de la manipulation digitale, avant même notre époque où réel et virtuel se confondent dans un même mouvement, Boris Mikhailov sait que le détournement et la manipulation sont au cœur du processus qui conduit à la réalisation des images.
Ce constat amer se double chez lui d’une certaine nostalgie, nostalgie envers un âge d’or fictif mais qui appartient à l’imaginaire soviétique de l’époque. Or, ce qu’il constatait pouvait se percevoir comme une dégradation irréversible des conditions de vie de ses concitoyens.
De nos jours, on sait que cette dégradation est générale, sans retour possible, qu’elle se généralise sous nos yeux sans que nous y prenions garde. Et si Boris Mikhailov a décidé de rendre mieux visible l’état de déliquescence faites à l’existence de certains, c’est bien pour refuser cet assentiment aveugle qui nous permet de supporter cela.
Le sujet des images de Boris est donc multiple. Certes, il part d’un constat, d’une observation lucide et orientée de l’abandon de certains à la férocité des lois du marché. Ces personnages ne s’appartiennent plus, ils sont déjà dans un monde hébété, sans autre lendemain que celui de l’instant présent.
Cette terrible dérive, Boris Mikhailov la met en scène symboliquement. Ses personnages lui appartiennent. Tel un réalisateur autoritaire, il les dirige, leur demande de prendre certaines poses, laisse parfois le hasard dicter sa loi. Mais ce qui sauve ces images du naufrage tient à la fois à l’urgence qui les habite et au rire tragique qui les traverse.
Les œuvres actuellement présentées dans la galerie Suzanne Tarasiève appartiennent à la série «Yesturday’s Sandwich», vaste fresque composée de 55 tableaux et plus dernièrement publiée sous forme de livre d’artiste par Phaidon.
Dans cette série, il juxtapose et superpose diverses images. Par le jeu du montage et de la confrontation, il retrouve l’élan dynamique des expérimentations du constructivisme soviétique des années 1920 et rejoint par la même occasion les effets prônés par des cinéastes de l’époque comme Dziga Vertov.
«Un jour, ayant superposé deux diapositives par inadvertance, j’ai eu la surprise de découvrir une image intéressante. (…) cette série, «Yesturday’s Sandwich» découle du procédé lui-même : j’ai superposé deux diapositives, je les ai insérées dans un cadre. (…)
Ma méthode reposait sur une recherche délibérée du hasard, bien que, pour compléter ces assemblages aléatoires, j’ai réalisé spécialement certaines vues de détail.»
Réalisées dans les années 1960, ces images «monstrueuses» selon les termes officiels sont interdites d’expositions. «La série allait à l’encontre de l’art officiel. Elle recélait quantité d’allusions cryptées.»
A travers ses montages, Boris Mikhailov interroge ainsi des notions aussi essentielles que celles du documentaire, de l’identité, du rapport à la culture officiel.
«Cette série est un assemblage d’éléments aux significations antagonistes, reflétant le dualisme et les contradictions de la société soviétique.» Vision éminemment critique même si l’artiste ajoute dans le même texte : «Aujourd’hui, je considère la série «Sandwich» comme un hymne à la beauté ou à son agonie : à partir de tableaux à la beauté idyllique, je crée des images versant dans le kitsch ou la laideur de l’existence.»
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La présentation de ces œuvres longtemps secrètes constitue un événement d’autant plus exceptionnel qu’elles sont rarement présentées dans leur version imprimée.
Vernissage
Jeudi 9 septembre 2009. 16h-22h
critique
Yesterday’s sandwich – 1960-70