Erwin Wurm
Yes Biological
La galerie Thaddaeus Ropac expose à Paris pour la première fois l’artiste autrichien, Erwin Wurm qui présente ses sculptures récentes.
Erwin Wurm s’est fait connaître dans les années 90 par ses One Minute Sculptures. Sur des indications de l’artiste, le visiteur de l’exposition pouvait, un bref instant, devenir lui-même une sculpture, en adoptant les positions, souvent absurdes, prescrites par l’artiste et en faisant, à cette occasion, un usage inhabituel d’objets quotidiens.
Erwin Wurm s’est constamment efforcé d’élargir l’acception traditionnelle de la notion de sculpture. Il part pour cela de la prémisse classique pré-moderne selon laquelle la sculpture consiste à changer la masse et le volume. Il décide de prendre cette prémisse au pied de la lettre et de l’appliquer au quotidien: «Changer la masse et le volume est un acte sculptural. Prendre ou perdre du poids est aussi un acte sculptural». C’est en ce sens que l’homme peut également devenir une sculpture.
Dès le début des années 90, Erwin Wurm a réalisé une vidéo, 59 Positions, qui appartient au Museum Ludwig de Cologne et au Centre Pompidou; on y voit des personnes adoptant, suivant les indications de l’artiste et à l’aide d’un pull-over, des positions inhabituelles qui les transforment en sculptures éphémères ou One Minute.
Dans l’exposition actuelle, les oeuvres issues de ce processus deviennent des sculptures en 3D, parfois poussées à l’échelle monumentale ou réduite. C’est ainsi que la dimension «performantielle» de ce travail rejoint le sculptural.
Les petites sculptures semblent se replier sur elles-mêmes, se mettre en boule, se retourner, se redresser vers l’extérieur. Par contre les grandes sculptures, de part leur monumentalité, ont quelque chose de plus immobile et donnent l’impression de se trouver dans un état de dissolution.
Dans cette série de sculptures, Erwin Wurm replace l’acte performantiel de One Minute Sculptures dans une autre dimension tout en conservant l’aspect de processus. La définition d’intérieur et d’extérieur s’estompe dans ces sculptures: elles s’appréhendent autant par l’intérieur que par l’extérieur. Elles semblent compactes, fermées sur elles-mêmes et indépendantes par rapport au monde extérieur. Il est possible de s’imaginer à leur place mais pas de les intégrer.
Les sculptures d’Erwin Wurm se définissent souvent par l’enveloppe, le contour que leur confère le volume. Il peut s’agir d’un vêtement comme un pull-over. À l’origine, l’artiste recouvrait de simples socles en bois de pièces de vêtements, le transformant ainsi en sculpture. Dans ses travaux récents, la forme de la boîte du socle est encore partiellement perceptible. Ce que l’homme était dans les One Minute Sculptures est devenu ensuite un poteau et désormais une forme hybride. Erwin Wurm habille les formes qui deviennent ainsi sculpturales.
La casquette de police surdimensionnée se transforme en sculpture qu’au moment où le visiteur passe dessus. La tête disparaît entièrement tandis que la casquette semble reposer directement sur les épaules de la personne devenue anonyme. (On pense naturellement à un enfant qui enfile des habits de ses parents, trop grands pour lui, et joue ainsi à s’identifier à eux sans toutefois parvenir à prendre leur place.)
Erwin Wurm installera aussi une gigantesque toile tricotée tel un mur tissé de cordelettes réintroduisant une œuvre antérieure, Yes Biological (43 cm × 85 cm), qui donne d’ailleurs son nom à cette exposition. La surface d’exposition devient une toile, une image murale au sens propre, que l’on hésite au début à qualifier de sculpture ou d’image.