Wilfrid Almendra
Yellow River
L’Å“uvre Yellow River est une sculpture composée de 36 éléments en béton armé coffré, de formes et de dimensions diverses mais de même hauteur, recouverts pour la plupart de plaques en inox poli miroir et éclairés par quatre puissants spots au sodium dégageant une intense lumière jaune. Ces blocs reproduisent le plan de masse carré de Masdar City, ville nouvelle actuellement en cours de construction dans le désert d’Abou Dhabi. Dessinée par l’architecte britannique Sir Norman Foster, Masdar City a pour ambition d’être une ville écologique modèle de 50 000 habitants, sans voiture, consommant zéro carbone et produisant zéro déchet, prototype des villes du futur.
Émergeant de la verticalité des blocs telle une sculpture publique ou un panneau publicitaire, une reproduction en bois de la main ouverte symbole de Chandigarh — capitale expérimentale et sociale des États indiens du Pendjab et de l’Haryana construite à partir de 1951 par Le Corbusier qui y met en application ses théories architecturales et urbanistiques — fait le lien entre ces deux projets de villes nouvelles et utopiques.
Mais si Le Corbusier voyait dans cette main un symbole de mémoire, de don et d’échange entre les hommes, et dans ses lignes l’expression des circulations qui innervent une ville, elle semble ici exprimer plutôt un futur arrivé à sa fin.
Alors que Chandigarh est devenue une ville musée assez éloignée de ses idéaux de départ, Masdar City, ville écologique construite grâce à l’argent du pétrole, sera elle réservée à une élite. Ville futuriste sortie du désert tel un mirage ou une image de science-fiction, Masdar City sera entourée de hauts murs pour la protéger des vents chauds et des tempêtes de sable, et ses travailleurs modestes seront relégués à l’extérieur de ces murs.
Éclairées d’une écrasante lumière jaune, qui rappelle le soleil du désert mais également les spots de chantier des ouvriers qui se relayent 24 heures sur 24 pour la construction de Masdar City, les plaques d’inox de Yellow River évoquent aussi bien les toits couverts de panneaux photovoltaïques qui assureront l’autonomie énergétique de la ville que les façades d’immeubles en verre miroir qui la composeront.
Sur ces plaques se reflètent la main ouverte de Chandigarh ainsi que dix Å“uvres de la série Basement. Dans ces sculptures murales, Wilfrid Almendra transforme un morceau brut d’asphalte, prélevé à même une route, en un terrain à bâtir, sur lequel il greffe un moulage en béton reprenant à échelle réduite le plan standard d’une «maison de constructeur». Donnant des hauteurs variées aux différentes pièces de chaque maison, il semble en faire émerger des villas modernistes, sortes de modèles dévoyés des pavillons dont il extrapole les plans. Au-delà de la beauté abstraite de cet assemblage, Wilfrid Almendra met ici en tension le désir individualiste incarné par la maison individuelle et sa réalité standardisée.
critique
Yellow River