En 2007, les performeurs Yan Duyvendak et Omar Ghayatt se rencontrent au Caire. Le premier est suisse, le second égyptien. Dans la mémoire de chacun, le 11 septembre 2001 et ses conséquences. À partir, et contre, la notion de ‘choc des civilisations’, ils composent alors une pièce. Une performance à deux, à plusieurs : Made in Paradise [Fabriqué au paradis]. Soit une action chorégraphique créant du lieu et du lien commun. Avec l’ouverture d’un espace de dialogue assez vaste pour accueillir les spectateurs, devenant à leur tour acteurs. Un endroit quasi-neutre, où faire se rencontrer les antagonismes. À savoir le message actif « Just Do It » [Fais le, c’est tout] d’un côté, et le message contemplatif « Inch Allah » [Si Dieu le veut] de l’autre. Presque dix ans après cette première expérience, Yan Duyvendak et Omar Ghayatt prolongent le dispositif avec Still in Paradise [Toujours au paradis].
Still in Paradise de Yan Duyvendak et Omar Ghayatt : performance participative
Entre 2008 et 2016, le Terre a continué de tourner, sur elle-même et autour du soleil. Certaines crispations se sont exacerbées. Avec, toujours, ce paradis comme point de cristallisation et d’incompréhension. Le capitalisme sauvage continuant d’un côté sa course folle vers la modélisation du paradis sur Terre. L’intégrisme islamique continuant de promettre, de l’autre, un paradis céleste à quiconque détruira cette profanation. Et dans l’interstice entre ces deux géants abstraits : des vies à inventer. Un quotidien à composer, en suspension entre suspicion, humiliation et surveillance généralisée. Dans la méconnaissance de l’autre. Avec la performance Still in Paradise, Yan Duyvendak et Omar Ghayatt, mettent ainsi en scène leur rencontre, leurs doutes et différences. Par les mots, mais aussi par la présence rassurante de corps humains. Le tout en puisant dans une série de scènes possibles, choisies par les spectateurs. Pour un spectacle s’actualisant différemment à chaque représentation.
L’Autre, ce terroriste : la performance pour désamorcer la peur
Dans un espace scénique ouvert, Still in Paradise abolit la distance entre interprètes et spectateurs. Par une Performance participative fédèrant des constellations à géométries variables. Plus qu’un duo, Still in paradise se compose d’un trio, d’une pluralité. Avec Georges Daaboul, notamment, pour la traduction française. Et Samy Ebeid pour l’allemand et l’anglais, Iyas Jubeh et Rinaldo Marasco pour l’italien, et Omar Hegazy pour le néerlandais. Un acte de traduction qui participe ici de la performance. À mesure qu’Omar Ghayatt et Yan Duyvendak déroulent, sur cette place publique, le fil des différences de perception, s’esquisse la trame d’une rencontre. Une trame qui se resserre sur les contradictions et points de discorde, pour mieux défaire la haine diffuse et éclairer le lieu du conflit, de l’incompréhension. Ajoutant un épilogue à Made in Paradise, Still in Paradise continue ainsi de déconstruire la violence et l’ignorance, en posant des mots sur les non-dits.