ART | CRITIQUE

Y a-t-il un commissaire pour sauver l’exposition ?

PMarguerite Pilven
@31 Déc 2004

Disparate et bariolée, cette exposition patchwork à l’accrochage généreux semble vouloir affirmer autant que fêter la grande diversité de la création contemporaine, et réagir à cette pratique de plus en plus chez les galeristes d’inviter des commissaires à concevoir des expositions dans leurs murs ?

Avec le titre « Y a-t-il un commissaire pour sauver l’exposition ? » les galeristes Georges-Philippe et Nathalie Vallois se réfèrent à une question qui agite le monde de l’art contemporain, surtout depuis l’exposition très discutée « Coolustre », conçue par Eric Troncy : quel est le statut du commissaire d’exposition ? Pourquoi de plus en plus de galeristes les invitent-ils à concevoir des expositions dans leurs murs ? N’est ce pas contradictoire ?

Plus de cent quatre-vingts œuvres, fixées du sol au plafond de la galerie, dans un accrochage similaire à ceux des Salons du XIXe siècle invitent le spectateur à déambuler librement d’une œuvre à une autre, promenant le regard de Fourtou à Bublex, de Lucarellio à Sugimoto.
Cette liberté de circulation des corps et des idées est, comme par hasard, celle qui se joue dans nombre de ces images combinant en des visions inédites, toujours singulières et souvent audacieuses, des éléments prélevés de la jungle des signes et des objets qui nous environnent.

Dans les photographies qui le mettent en scène, Saverrio Lucarellio semble vouloir guider ceux qui n’y comprendraient rien, mais il a beau endosser sa cape clinquante de Mage ou de Docteur et nous mener dans la nuit avec une lanterne, c’est pour tomber sur un panneau indiquant: « Je ne connais pas Kant, mais je me le ferais bien ! »
Merci Lucarellio …
Et pourtant, de Kandinsky à Paul Klee, puis plus tard Joseph Beuys ou Yves Klein, l’idée de l’artiste prophète guidant les brebis égarées dans le monde sensible a bien trouvé en qui s’incarner ! Alors à qui le tour ? Y a-t-il un artiste pour sauver l’exposition ?

Dans une série de dessins en noir et blanc, Thaddeus Strode soumet Jésus à une « rencontre du troisième type » avec des créatures à antennes et oreilles pointues. On ne pourra pas compter non plus sur Martin Kersels qui, depuis des années, laisse tomber son corps massif et en photographie la perte d’équilibre et la chute finale dans une recherche simple d’adhésion au réel consistant à expérimenter les lois de l’attraction terrestre (série des Falling photo). Visiblement, il n’y a personne pour nous sortir de ce bastringue, la majeure partie des artistes exposés se faisant un malin plaisir à nous sortir de nos représentations trop sages et assurées du réel.

En 1995, Gilles Barbier présentait pour la première fois des clones miniatures de lui-même dans une installation intitulée Comment mieux guider votre vie au quotidien. Disposés comme des pions sur un échiquier, l’artiste donnait à cette question existentielle la forme dérisoire d’un jeu de société. Avec les images de sa série Les Aventures de la fiction actuellement exposées, on assiste a l’exposé pseudo-scientifique de la naissance d’une Poche d’existence avec schéma explicatif et annotations. On ne vous dira pas à quoi ça ressemble…

Une place importante est laissée au dessin par lequel cette appropriation ludique du réel, toujours en devenir, jamais certaine est rendue sensible : annotations rapides d’un gag visuel possible chez Richard Jackson, caricatures de Cravan par Erik Dietman ou petites histoires graphiques de Nedko Solakov.

Avec des photographies d’objets qu’il prélève de son quotidien, Joachim Mogarra sape également l’idée d’une culture pontifiante, privilégiant une intervention rapide sur les objets qu’il a sous la main, agencés en petites mises en scènes qu’il photographie ensuite.
Ainsi affuble-t-il ses baskets de ronds de cartons pour les déguiser en voitures miniatures et nous mener voir au port des petits bateaux en papier plié posés sur son parquet. En voyageur immobile, par un changement d’optique et d’échelle sur les choses, il rapporte des clichés de promenades ou de monuments célèbres réalisés par le seul bricolage d’objets trouvés dans sa chambre et photographiés.

Disparate et bariolée, cette exposition patchwork réserve encore bien des surprises : très beaux collages de Tatiana Trouvé, travaux de Paul McCarthy et Helmut Newton, dessins aquarellés de Dave Muller, etc.
Par cet accrochage généreux, la galerie Vallois semble en fait vouloir affirmer autant que fêter la grande diversité de la création contemporaine, nous en donnant un aperçu vivant et plein d’humour.

ARTISTES
— Ethan Acres
— Matthew Antezzo
— Gilles Barbier
— Stéphane Bérard
— Julien Berthier
— Alain Bublex
— Erik Dietman
— Jean François Fourtou
— Saffa Hains
— Eric Hattan
— Richard Jackson
— Martin Kersels
— Barry Le Va
— Erik Levine
— Saverio Lucariello
— Dave Muller
— Paul Mc Carthy
— Joachim Mogarra
— Peter Nagy
— Spandau Parks
— Allen Ruppersbergs
— Roman Signer
— Nedko Solakov
— Daniel Spoerri
— Thaddeus Strode
— Hiroshi Sugimoto
— Keith Tyson
— P. Van Caeckenberg
— Jacques Villeglé
— Julia Wachtel
— Olav Westphalen
— Virginie Yassef

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