Philippe Hurteau explore depuis plusieurs années le portrait à travers sa représentation télévisuelle. Chaque nouvelle série se mesure à une nouvelle manière de peindre, à une nouvelle manière de rendre compte de ce qui se passe sur le mur de nos écrans télé.
Avec son pinceau Hurteau creuse des sillons pour dégager notre identité médiatique qui nous entoure, nous submerge et nous vampirise, et pour poursuivre, faire exister, le portrait contre vents et marées.
Le genre au XXe siècle a subi les assauts destructeurs de Picasso et Bacon. Le portrait, à travers l’intime, est désormais l’apanage de la photographie et de la vidéo. Avec courage Philippe Hurteau reprend le flambeau et oblige la peinture à se mesurer à cette «vidéosphère».
Cette fois-ci il se transforme en archéologue. Il fouille les strates des bandes vidéos, qui coupent l’écran horizontalement, qui fragmentent les visages, qui en occultent des parties et en agrandissent d’autres.
Ce procédé est proche des moyens précédemment utilisés, où le visage des personnages était toujours occulté. Présentateurs vedettes du journal télévisé, ou illustres inconnus, le peintre s’est toujours réservé de peindre des visages tels quels.
Le portrait a pour lui toujours été un moyen d’expérimenter, d’avancer. Le portrait a toujours été en fuite, il a toujours marqué une absence, un vide, une béance. Il a été dans le passé masqué, occulté, puis biffé par des rectangles de peinture, puis brouillé, crypté comme sur les chaînes à péage. Cette façon de procéder marque une défiance vis-à -vis du genre autant qu’elle est la marque d’une véritable interrogation sur la célébrité médiatique et l’aura écranique.
La découpe des corps et des visages produit une image mystérieuse, obsédante, excitante. Les travaux précédents sur le cryptage portaient déjà en germe cette sexualité troublante et troublée. Le porno du samedi soir de Canal+ était emblématique de ce traitement.
Hurteau poursuit cette route du plaisir formaté et des poses stéréotypées. Il se focalise cette fois-ci sur le plaisir, sur l’extase, d’où le nom de la série ETX. On imagine très bien les images sorties tout droit d’un film X. Les filles sont allongés la bouche ouverte dans un simulacre de plaisir. Le pendant extatique se retrouve dans la douleur, celle du sport avec deux toiles qui traitent de l’essouflement, de l’effondrement, des athlètes.
Longtemps sensible aux miroirs, la peinture se serve aujourd’hui de l’écran télé, ce nouveau miroir, pour explorer notre univers contemporain. Comme Richter, qui s’est à une époque interrogé sur la révolution photographique en peinture, Hurteau aborde la nouvelle donne numérique. Ses peintures des années 1990 précèdent les travaux photographiques qu’un Struth, par exemple, a consacrés en 2001 à internet. Comme si la peinture était la vigie de l’art contemporain. Images du décalage, elles traitent de la mise au point, de la mise au clair de l’Image, et de notre rapport pas très nets avec elle. Le moteur de ces images est le voyeurisme du spectateur. Brouillées et payantes, ces images ne sont jamais faciles, elles ne sont jamais données.
— XTZ, n° 1, 2002. Huile sur toile. 80 x 142 cm.
— XTZ, n° 2, 2002. Huile sur toile. 97 x 172 cm.
— XTZ, n° 3, 2002. Huile sur toile. 50 x 89 cm.
— XTZ, n° 4, 2002. Huile sur toile. 50 x 89 cm.
— XTZ, n° 6, 2002. Huile sur toile. 150 x 226 cm.
— Two lights, 2002. Huile sur toile. 60 x 80 cm.
— Vainqueur, 2002. Huile sur toile. 150 x 266 cm.
— CAM/F.A. (6), 2002. Huile sur toile. 150 x 200 cm. `
— CAM/F.A, 2002. Huile sur toile, cinq toiles de 50 x 65 cm.