Au cours des vingt dernières années, Akram Khan s’est imposé comme un danseur et chorégraphe incontournable sur la scène britannique et mondiale. Londonien d’origine bangladaise, il mêle la danse contemporaine au kathak, danse traditionnelle originaire du nord de l’Inde. Après avoir chorégraphié près d’une trentaine de pièces – y compris la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Londres – il revient avec le solo Xenos, qui marquera la fin de sa carrière d’interprète.
Xenos : hommage aux soldats indiens morts pour l’Empire britannique
Tout commence avec un danseur de kathak entouré de cinq musiciens. Au rythme de la musique traditionnelle indienne, les pieds de l’homme frappent le sol, faisant tinter à chaque coup les grelots noués à ses chevilles. L’ambiance est joyeuse et chaleureuse. Quand, tout à coup, le danseur se trouve arraché à sa terre et sa culture, violemment interrompu dans la grâce de son mouvement, pour être recraché dans le chaos brutal et bruyant de la guerre. Le sol de la scène se déforme alors, de manière à ce que le personnage se retrouve au pied d’une pente, à ramper dans la terre et la boue, tapi dans une tranchée. Akram Khan incarne ainsi à lui tout seul les quatre millions de soldats colonisés qui ont été enrôlés dans les armées européennes et américaines lors de la Première Guerre Mondiale, plus particulièrement, les 800 000 Indiens qui se sont battus pour l’Empire britannique.
L’Humanité en lutte dans Xenos
La réflexion menée dans Xenos sur la colonisation britannique sert un propos plus large. L’histoire de ce soldat colonisé devient celle de l’Homme, en constante lutte pour son intégrité, sa dignité et sa liberté. La figure du fantassin indien de la Première Guerre Mondiale flirte ainsi avec celle de Prométhée. Comme son titre l’indique, le spectacle interroge également ce qu’être étranger – xenos, en grec ancien – signifie. Le tout dans un corps qui se fait le réceptacle de cultures très différentes, du hip hop au ballet, en passant par le kathak. L’Orient et l’Occident se trouvent en conflit comme en harmonie. La question de l’humanité dans son ensemble réside ainsi au cÅ“ur du spectacle : qu’est-ce qu’être humain ? Qui décide qui l’est ? A quel moment cessons-nous de l’être ?