Muriel Rodolosse
x degrés de déplacement
Plaçant la question du déplacement au centre de sa pratique picturale, l’artiste Muriel Rodolosse propose une exposition où s’articule un ensemble de tableaux qui questionnent le mouvement, le point de vue, la mobilité du visiteur, le rapport au temps et à la mémoire. La déambulation d’une protagoniste «bâtisseuse », qui fait figure d’allégorie, tantôt républicaine, tantôt artiste, instable ou en équilibre, questionne les contraintes de l’espace d’exposition. C’est la peinture qui est convoquée et mise en tension par un jeu de va-et-vient entre l’espace et le paysage environnant le Frac Aquitaine, au point d’en troubler les frontières.
La notion de déplacement est au cœur de l’exposition: dans la peinture elle-même qui émerge de derrière le support sur lequel la matière est appliquée, Muriel Rodolosse peignant au revers de Plexiglas, comme dans les éléments peints. Les personnages et architectures représentés s’inscrivent en effet dans des dynamiques contradictoires: dans L’entrave par exemple la figure féminine semble emprunter une direction que des dispositifs et constructions perturbent. Ce déplacement prend également sens à l’échelle de l’exposition où les volumes installés dans l’espace se confondent avec ceux représentés dans les tableaux, perturbant les limites de la peinture et du lieu.
Ces contraintes de l’espace d’exposition, la protagoniste semble elle-même les questionner par l’intermédiaire d’éléments de construction qu’elle porte ou arbore. En découle le déplacement physique du visiteur qui, pour parvenir à une bonne compréhension des œuvres, est amené à expérimenter différentes positions, en fonction des jeux de reflets sur la surface des tableaux. Les volumes disposés dans l’espace contraignent par ailleurs sa déambulation en même temps qu’ils l’invitent à accéder à d’autres points de vue sur les pièces. L’appréhension devient donc mentale, entre le point de vue adopté, celui du personnage, et celui de la scène représentée de l’autre côté des bassins.
En filigrane, dans ce jeu de déplacements, il est question du corps. Peint dans différentes postures, il représente celui d’un modèle, une danseuse dont justement il est l’outil de travail, comme il peut aussi évoquer celui de l’artiste qui pratique la peinture directement avec ses mains, souvent accroupie, tributaire du format du support qui lui impose un rapport physique à l’œuvre. Dans l’exposition, ce corps est hissé au statut de l’allégorie, dépassant la question du genre, de la sexualité ou de l’identité pour revenir dans chacune des peintures, telle une invitation à établir des correspondances ou des écarts.
L’exposition de Muriel Rodolosse se présente comme un aboutissement de vingt années de recherche et de pratique qui ne laisse pas de place au hasard, tant dans la peinture que l’espace investi. Autant prévenir le visiteur qu’il risque de subir les forces de ces déplacements dont il lui reviendra de mesurer le degré.