Après la société de consommation, Claude Closky s’en prend à la société de l’information. Après l’exploration des vocabulaires publicitaires et commerciaux, il s’intéresse aux structures de l’information médiatique.
Dans World News, une grande carte murale du monde est schématisée à l’aide de bandes d’adhésif bleu. Sur un écran plat placé au niveau de l’Afrique des phrases défilent en blanc sur fond bleu. Des informations composées de phrases brèves sont émises sans discontinuer :
— Tanzania – Iceland – Drugs. Dar El Salam, sept. 14 – 18 : 31. Tanzanian police arrest Iceland woman for drug traffic.
— France – Ambush. Paris, sept. 14 – 18 : 33. Ten French citizens killed in ambush on road 50 km from Paris.
— Bulgaria – Immigration. Sofia, sept. 14 – 18 : 46. Bulgaria intercepts trucks with 39 swiss immigrants.
— France – Iraq – Trade. Paris, sept. 21 – 11 : 22. France and Iraq study draft free-trade agreement.
— Sweden – Health. Göteborg, oct. 14 – 10 : 18. Leprosy kills 80 people in southern Sweden.
— US – Communist. Boston, oct. 04 – 10 :18. 7 killed in raid by republican rebels in Boston.
— Singapore – Drugs – Justice, oct. 04 – 10 : 19. Drug find : no reason to revoke driver’s licence : Singapore court.
A peine a-t-on le temps d’assimiler l’information qu’elle est remplacée par une autre. Les phrases s’enchaînent, énonçant des faits plus étonnants les uns que les autres. L’énoncé de ces nouvelles parfois tragiques reste toujours froid et impersonnel, comme les dépêches de l’AFP, ou le ton d’un journal télévisé.
Claude Closky s’attache plus à l’énonciation qu’au contenu, jusqu’à vider les informations de leur sens. Avec une rigueur froide et méthodique, il uniformise, homogénéise l’information, jusqu’à absurde.
Sur un autre mur de la galerie, une musique tonitruante, énergique et répétitive, qui enveloppe toute l’exposition, accompagne une projection : une espèce de papier peint animé, comme un kaléidoscope d’étoiles multicolores qui tourbillonnent avant d’être aspirées et de réapparaître à l’infini.
Dans cette proposition ludique intitulée Trou Noir, le spectateur peut laisser, le temps d’un refrain, sa silhouette sur l’écran : devenir, en ombre chinoise, la star éphémère d’une sorte de karaoké sans parole.
Avec ses effets répétitifs, ses couleurs vives, sa dynamique sonore et visuelle, sa force attractive quasi-hypnotique, l’œuvre parodie les divertissements populaires à succès. Diffusée en boucle, elle parasite la lecture des informations de Planète bleue, exprimant assez justement les rapports contemporains entre informations et divertissements.
Travaillant sur les images et les mots, Claude Closky interroge avec humour les fonctionnements discursifs de la société contemporaine occidentale. Le sens est absorbé par la forme dans laquelle il est présenté. Un décalage constant règne dans notre monde saturé de signes.
— World News, 2002. Installation, écran plasma, ordinateur, adhésif bleu. Dimensions variables, 300 x 500 cm minimum.
— Trou noir, 2002. Installation vidéo. Dimensions variables, 400 x 533 cm minimum.