Jungjin Lee
Wind / Thing
Qu’elle pose son regard sur le lointain ou le proche, Jungjin Lee transcende la vision ordinaire et extrait du monde des «immémoriaux». Ses photographies nous font entrevoir ce que pouvait être l’art à ses débuts: une médiation chamanique qui reliait l’homme à ce qui l’entourait.
Si loin, hors de portée, les paysages, montagnes et nuages de Wind.
Si proches, Ã notre main, les objets-sculptures de Thing.
Wind
Jungjin Lee a longtemps parcouru et photographié le désert.
Robert Frank écrivait dans la préface du livre Desert paru en 2002: «Jungjin Lee est la Voyageuse du désert Américain. Comme réalisées à la lumière de la lune, un calme instantané émane de ses images. Elles ont un pouvoir. Sur son chemin, traversant le vide, Jungjin a écouté une voix en elle. Sans carte, elle est capable de nous montrer la réalité de son obsession — et cela me touche.»
Avec Wind, Jungjin a poursuivi son exploration de ces espaces ascétiques, hors du monde: un lieu abandonné des hommes, même si leurs traces demeurent, ici où là , presque effacées. Se confronter avec la présence formidable de la nature et des éléments, pour tenter de trouver une expression fondamentale, une justesse. Créer des images qui témoignent de notre présence et de nos limites.
«A une époque, je pensais que l’art était une poignée de main avec l’absolu, ou l’essence de ma vie. Au fil du temps, j’ai sans cesse tenté, dans mon travail, de retomber de ces hauteurs.»
Thing
Regarder autour de soi: les objets qui nous entourent peuvent-ils nous définir?
Comme la confrontation avec l’espace lointain et extérieur du désert, les objets proches et familiers photographiés dans cette série ont été pour Jungjin le support à un exercice méditatif. Leur apparente familiarité se mue en étrangeté lorsque l’esprit se détache et se vide de pensées.
Vus comme des formes sculpturales flottant dans le vide, détachés de leur fonction, les objets dérivent vers l’abstraction, ou semblent être la matérialisation d’un rêve.
«Mes images doivent être vues comme des métaphores: ni représentation du monde réel, ni expression de sa beauté visuelle, elles sont une forme de méditation».
La puissance visuelle et émotionnelle des images de Jungjin Lee est inséparable de leur forme.
Travaillant sur du papier coréen traditionnel (en fibre de mûrier) enduit à la brosse d’une émulsion photographique, elle imprime sur cette matière le geste de sa main, comme si la brosse se frayait un chemin dans les nuages, les arbres et les roches.
La taille des tirages, de un à deux mètres de base, est également choisie pour donner toute leur ampleur aux paysages de Wind et à la qualité sculpturale des objets de Thing.
Les deux séries exposées de Jungjin Lee, Wind et Thing, ont chacune fait l’objet d’une monographie (Wind: éditions Aperture, New York, 2009. Thing: éditon Minseogak, Séoul, 2005).