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William Eggleston

PPierre-Évariste Douaire
@12 Jan 2008

Grande rétrospective de l’œuvre d’un photographe épris de couleur, qui parvient à saturer, à densifier, les couleurs séparément. La fascination qu’exerce cette œuvre ne s’appuie ni sur le sujet des images, ni sur une technique extraordinaire, mais bien sur un rendu qui attire et retient l’œil.

La grande rétrospective consacrée à William Eggleston à la Fondation Cartier présente l’œuvre d’un photographe épris de couleur. Elle récompense une figure qui a imposé la couleur comme l’égal du noir et blanc, notamment grâce à l’exposition de 1976 au MOMA de New York intitulée Photographs by William Eggleston. Depuis le début de sa carrière Eggleston ne cesse de travailler la couleur, où plus exactement les couleurs. Comme un coloriste, il traite les couleurs les unes après les autres. Grâce à la technique du dye-transfer dans les années soixante-dix, puis maintenant grâce au numérique, il parvient à saturer, à densifier, les couleurs séparément.

L’exposition se décompose au gré des travaux successifs du photographe, jusqu’à la commande réalisée en octobre 2001 au Japon. Ses premiers portfolios en noir et blanc datant de 1974 côtoie la commande de Cartier pour l’exposition sur le Désert.

Influencé dès ses début par Walker Evans, on retrouve dans ses clichés le même souci de témoignage. Entre photo-journalisme et photo de mode, Eggleston adopte un cadrage frontal légèrement décalé. Ce qui frappe chez lui c’est la simplicité des prises de vues en plongée, en contre plongée, au ras du sol. Il n’hésite pas à distordre l’image en utilisant le grand angle, ou provoquer de grandes perspectives en utilisant un angle décalé.

Les sujets sont tantôt photographiés comme des détails, tantôt perdus dans un immense paysage. Eggleston se pose comme le photographe des objets, mais aussi de la route, du « car of life » américain. Les bordures de la route lui sont familières, comme les bas côtés que sont les snack-bar, les enjoliveurs des voitures. Il campe des décors dans lesquels se plantent les piquets du paysage urbain et désertique. On y trouve des cactus, des lampadaires, des enseignes publicitaires et des personnages. Placés au centre de la composition, ces personnes appartiennent au décor comme des pièces rapportées. Ils sont là, mais rien de les distingue des autres éléments du paysage. Statiques et rigides, ils se dressent droit comme des i. Plantés là comme par hasard, ils ressemblent à ces valises posées près d’une route, dans une attente de départ, d’arrivée, de transit, nul ne le sait. Cette incertitude se retrouve dans l’impossibilité de dater les clichés. Malgré une amplitude de trente années de travail rien n’est mesurable. Le paysage, ce no man’s land, fait écho à une intemporalité frappante. Les rognures des bordures, comme les coins rongés des enseignes et des calanques semblent être les mêmes malgré les années.

Les clichés d’Eggleston oscillent entre banalité et élégance. L’audace de la prise de vue ou son effacement dans la simplicité sont toujours soutenus par un tirage d’une très grande qualité lumineuse. Cette fascination que l’on porte aux photos est troublante, car elle ne s’appuie ni sur le sujet des images, ni sur une technique extraordinaire, mais bien sur un rendu qui attire et retient l’œil. Ni le nombre des tirages, derrière lequel on soupçonne une frénésie à « shooter », ni leur fragile pauvreté ne parviennent à nous détourner des cimaises.

William Eggleston
— Série Kyoto, 2001. Photographies couleur. Dimensions variables. — Quatorze portfolio, 1974. Photographies noir et blanc. Dimensions variables. — Série du MOMA, 1976. Photographies couleur. Dimensions variables. — Série Désert, 2000. Photographies couleur. Dimensions variables.

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