À l’aide de sucreries diverses, Will Cotton construit dans son atelier des montagnes de gâteaux qu’il agrémente par exemple de chocolat ou d’une forêt de sucettes multicolores.
Chaque toile donne lieu à la construction préalable d’une maquette par laquelle l’artiste ordonne les composantes de son paysage. Il ressort de ce procédé une peinture précise dont le rendu méticuleux des textures introduit une dimension tactile très convaincante.
Un tableau représentant un chalet entièrement composé de biscuits et orné de balcons dessinés à la crème pâtissière nous rappelle autant l’esthétique kitsch des bûches de Noël que le conte de Hansel et Gretel.
Un autre détourne la tradition du paysage sauvage à l’américaine, avec son lac couleur grenadine, ses grands glaciers meringués et des sucettes plantées tels des arbres incongrus.
Un troisième, intitulé Pudding Flood, évoque effectivement un gâteau qui aurait fondu. Des îlots de smarties, des sucres candy et des parts de gâteaux partent à la dérive, dessinant un paysage flottant et chaotique.
Cotton évoque avec beaucoup de réalisme ce que pourrait être un paradis de la sucrerie avec ses couleurs vives et acidulées et ses textures fondantes ou liquides. La délicate suavité de ses teintes, le rendu crémeux de sa peinture à l’huile ainsi que l’absence de traits de contour termine de donner un caractère voluptueux à ses travaux. Mais il ressort de cette ambiance outrageusement doucereuse un certain malaise, plus sensible encore lorsque ces paysages artificiels sont peuplés de figures féminines.
Le grand tableau Sugar Beach montre trois jeunes filles en sous-vêtements, mollement assises sur une dune de sucre glace, l’air abruti et repu, comme gavées de meringues dont elles tiennent encore un morceau à la main. Leur peau jeune et rose, leur chevelure abondante tombant sur les épaules en font des objets de désir. Ice Cream Cavern évoque plus directement encore cette idée : un personnage féminin de dos, la nuque soigneusement dégagée, baisse la tête devant un amoncellement de boules de glace, à la forme phallique sans équivoque, se dressant autour d’elle. Le détail de la cuisse nimbée de crème fondue au premier plan fonctionne comme une cible excitant la pulsion scopique.
Sollicitant avant tout le toucher et le goût, les tableaux, dans leur ensemble, véhiculent un érotisme latent. Ces images sensuelles excitent les sens ou les écœurent, et leur duplicité réside en ces analogies constantes entre gourmandise et appétit charnel. Cotton joue particulièrement sur cette ambivalence, sur ces glissements imperceptibles qui font sourdre des fantasmes derrière ces paysages gourmands et enfantins, effraction du désir sexuel dans un univers de conte de fée.
Par un travail basé sur la notion d’excès et de ses possibles effets, Cotton met en place une œuvre dont le caractère obsessionnel renforce l’impact sur le spectateur.
Will Cotton
— Sugar Beach, 2002. Huile sur toile. 200,5 x 231 cm.
— Chalet, 2003. Huile sur toile. 178 x 203,5 cm.
— Spumoni River, 2003. Huile sur toile. 203,5 x 203,5 cm.
— Pudding Flood, 2003. Huile sur toile. 122 x 203,5 cm.
— Ice Cream Cavern, 2003. Huile sur toile. 79 x 203,5 cm.