Pierre Ardouvin
Wicked World
Depuis le début des années 1990, le travail de Pierre Ardouvin se développe comme un scénario elliptique de nos désillusions. Sa poésie, souvent en lien avec la culture populaire, vient d’un rapport «dérangé» au langage et au monde.
L’exposition «Wicked World» présente de nouvelles œuvres issues des ensembles «Les Ecrans de veille», «Un Monde pourri» et «Le Théâtre des opérations», tous liés par leur enracinement dans le terrain des affects et de la prolifération ainsi que par une bonne dose d’humour poétiquement acide. Les univers convoqués, ces choses mises au rebut du souvenir, font émerger une autre mémoire, une mélancolie à la frontière entre l’intime et le collectif.
«Les Ecrans de veille»
L’imagerie carte postale représentative de la société des loisirs de masses, celle des stations balnéaires, du tourisme culturel et muséal, ou encore des îles paradisiaques est un motif récurrent dans l’œuvre de Pierre Ardouvin. Ses «tableaux» de la série «Les Ecrans de veille» peuvent être envisagés comme des interfaces perturbées d’un imaginaire collectif, synthèse dysfonctionnelle entre deux logiques: celle du rêve médiatisé à travers les «écrans» de la culture de masse et la logique irruptive et parasitaire de l’intime.
«Un Monde pourri»
Un Monde pourri met en scène des assemblages d’objets en plastique, pour l’essentiel des jouets. Ces hybridations qui viennent réactiver un langage enfantin dans une dimension de perte sublimée sont réalisées en chauffant les objets, ainsi soudés, et partiellement fondus et déformés. Cet ensemble nous renvoie à un monde à l’abandon, une sorte de poétique des ruines version série B. On retrouve aussi la dimension romantique liée à l’adolescence et propre à l’univers de l’artiste dans les phrases titres qui reprennent des extraits ou des titres de chansons où se côtoient Black Sabbath, Nirvana, Les Rolling Stones etc.
«Le Théâtre des opérations»
Surgissent également d’autres objets dans l’exposition: une vielle chaise d’écolier, un tronc d’arbre mort, quelques boules de Noël, un pneu usagé, des pierres, un petit toboggan en plastique, une boule a facette… Autant d’éléments se référant à des univers divers et dont les assemblages construisent des figures qui réactivent de manière frontale et crue le territoire perdu de l’enfance.
Chaque pièce de cette série nommée «Le Théâtre des opérations» reprend en effet les noms d’interventions militaires aux connotations aussi poétiques que grinçantes, Aube de l’Odyssée, Deadlight ou Desert Storm, qui mettent en évidence cette position inconfortable, paradoxale qui fait toute la puissance efficiente du travail de Pierre Ardouvin, ce subtil mouvement de balancier entre le rêve et la chute, l’évasion et l’enfermement, la poésie du monde et son aride cruauté.