Philippe Chancel
White spirit
Depuis ses débuts, Philippe Chancel photographie les sociétés autoritaires et les dictatures communistes en particulier. En 1981, il est le premier à se rendre en Pologne où a lieu un état de siège proclamé par le général Jaruzelski. S’ensuit une longue série de reportages jusqu’à cette année 2005 où il obtient un visa de près d’un mois pour la Corée du Nord.
En 2007, il réitère l’expérience de l’utopie en se rendant aux Emirats Arabes Unis pour constater de ses propres yeux ce gigantesque chantier à ciel ouvert.
Déjà, il constate des points communs entre ces deux pays: culte de la personnalité donnant lieu à une iconographie à satiété, concentration du pouvoir, contrôle sur les individus et surtout un déni de l’humain, revers de ces sociétés de l’hypertrophie régies par l’argent et le pouvoir politique.
Philippe Chancel s’intéresse à la manière dont les sociétés du spectacle mettent en scène leur pouvoir. Luxe et divertissement pour l’une, ordre et austérité pour l’autre, ces sociétés industrielles modernes sont façonnées par les idéologies du capitalisme et du socialisme.
Aux Emirats Arabes Unis, la course à la démesure n’en finit jamais: les monuments sont toujours plus hauts et clinquants, la consommation, et son lot de placards publicitaires, est omniprésente et les loisirs frisent l’absurde quand il s’agit de skier en plein désert.
Là-bas, rien n’est trop beau ni trop grand pour se construire une identité quitte à sacrifier des centaines d’ouvriers immigrés. Les sirènes de la globalisation entêtent cette civilisation de l’argent et Philippe Chancel cherche à briser ce miroir aux alouettes contemporain.
Toutefois, les photographies de Philippe Chancel ne sont pas subversives. Au contraire, il pénètre au coeur de la fascination qu’exercent ces sociétés de l’image pour mieux comprendre les raisons de leur attirance et de leur répulsion.
Ainsi, le cadrage de ses photographies est frontal et distancié pour répondre à son exigence de fidélité avec la réalité sans l’entremise d’un jugement ou d’un affect.
L’esthétique documentaire qu’il met en place tâche d’oeuvrer là où la propagande des idéologies agit c’est-à-dire dans les apparences et les faux-semblants. Ses photographies mettent en abîme les rouages du pouvoir et questionnent l’image même.