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What Happened

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@18 Juil 2012

Figure de la photographie documentaire sociale britannique, Chris Killip nous livre un témoignage sur les années 1970-1990, celles de la désindustrialisation massive et des réformes radicales menées par Thatcher. C’est sur cette période charnière d’une vingtaine d’années que se concentre l’exposition du Bal.

L’œuvre de Chris Killip se présente comme un immense corpus de clichés classés et organisés de façon à mettre la photographie au service de l’histoire. Essentiellement celle de la Grande-Bretagne.

Prises dans le nord-est de l’Angleterre entre 1970 et 1990, les clichés en noir et blanc de Chris Killip sont un témoignage ouvertement subjectif de la débâcle post-industrielle des années Thatcher. Un documentaire envoûtant, simple, clair et précis, où les personnages s’inscrivent dans le cadre, avec leur histoire et leur volonté de survie.

La photographie Père et fils assistent au défilé est le portrait d’un homme émacié qui scrute le lointain en portant son enfant déjà grand sur ses épaules. Derrière eux, le ciel est blanc de nuages moutonneux et un poteau électrique se dresse comme une croix. A priori, il n’y a guère d’information dans cette photo prise lors d’un défilé à Newcastle. Pourtant, la tenue modeste de cet homme à l’œil perçant, au large sourire ouvert sur ses gencives bicolores, aux cheveux et aux ongles négligés, révèle son statut social d’ouvrier. On a du mal à se détacher de ses longues mains croisées, de celles de l’enfant, de leurs yeux qui ne regardent pas dans la même direction.

Au premier plan d’une image prise à Skinningrove (North Yorkshire) une femme avec landau et chien est assise, tournée vers la mer, à côté d’une carriole pleine de crabes. Au second plan, un homme attend le retour des bateaux à proximité de sa voiture. Un autre chien complète cette séquence immobile qui parle de temps suspendu, alors qu’ailleurs, un homme allume un feu d’ordures, des journaux chassés par le vent s’agglutinent au pied d’un autre, face à l’inscription «Amour sincère».

Dans cet environnement guère propice à l’optimisme, Chris Killip saisit à la fois l’aspect apocalyptique et la beauté de certains instants. Comme cette petite fille de glaneurs de charbon, visage abîmé, qui joue au hula-hoop avec un cerceau de fer, sur un sol semé de détritus. La grâce de l’enfant rachète toute la tristesse du contexte.

Chris Killip croit manifestement à la capacité des images à agir et à transformer les spectateurs. Dans les endroits les plus sombres du nord-est de l’Angleterre, où les ravages sociaux de la désindustrialisation brutale ont été les plus dramatiques, tel un imprécateur du XXe siècle, il élève la voix par l’image au nom des meurtris, des accablés, des exaspérés.

L’acuité de son regard permet à Chris Killip de traduire la beauté et l’élégance de ses sujets, de mettre la photographie au service de la cause des gens ordinaires dont les vies ont été bouleversées par des évènements extraordinaires. C’est un bel exemple de cette photographie engagée qui a su capter avec force et pudeur les souffrances des victimes de désastres dus à la conjonction dramatique de l’effondrement d’un monde et d’un cynisme politique.

Å’uvres
— Chris Killip, Punks, Gateshead, Tyneside, 1985. Photo.
— Chris Killip,Torso, Pelaw, Gateshead, Tyneside, 1978. Photo.
— Chris Killip, Mills, 1974. Photo.
— Chris Killip, True Love Wall, Gateshead Town Center, Tyneside, 1975. Photo.
— Chris Killip, Gateshead, Tyneside,1978. Photo.

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