Lors de sa dernière exposition, Paola Pivi avait transformé la galerie en ménagerie. Le vernissage s’était soldé par un déploiement en force, de poils et de fourrures. Le zoo débarquait en ville et prenait ses quartiers dans la cour de l’hôtel particulier du Marais. Zèbres et autruches bouleversaient l’architecture du XVIIe siècle. Le cirque a depuis levé son chapiteau. Il ne semble rester de cette expérience amusante que les restes de la fête. Comme après un jour de l’an où il faut ramasser bouteilles vides, cotillons et colifichets jonchant le sol, il ne reste plus, pour cette nouvelle aventure, que l’ombre d’un bestiaire épinglé au mur.
Si la prudence populaire veut que l’on ne vende pas la peau de l’ours avant de l’avoir chassé, Paola Pivi semble prendre ses responsabilités et les devants. Adepte des animaux en tous genres et des mises en situation loufoques, le tapis rouge qu’elle déploie semble avoir un air de déjà vu. Chez elle, mais aussi chez d’autres artistes.
La pièce maîtresse de son exposition qui lui donne son titre What Goes Round. Art Comes Round, est une descente de lit composée de vingt-deux peaux d’ours synthétique. Mis bout à bout ce chemin de table entoure, encercle complètement la pièce qui l’accueille. Du sol au plafond en passant par les murs, ce grand huit est un tour de force. Les parures des ours polaires et des grizzlys se succèdent et se déclinent dans trois couleurs différentes. L’amoncellement donne lieu à une succession de toisons et de couleurs. L’arc en ciel passe du blanc au noir et du brun au marron foncé.
Position carpette, ces gueules ouvertes se couchent à plat ventre. Aussi épais que des moquettes molletonnées ces édredons agressifs et inoffensifs à la fois, s’additionnent pour s’annuler. Ces monstres avec leurs griffes coupantes, sont étalés de tout leur long. Triste constat d’une nature sauvage asservie, domestiquée, avilie par l’homme.
Même si ces peluches, plus fausses que vraies, se mordent la queue dans une farandole, elles évoquent des œuvres récentes comme celles de Cai Guo Cang. Une meute de loup était prise dans un coup de fouet géant. Ces crocs blancs dans leur course, attirés par l’appel de la forêt, formaient une ronde exaltante. Plus près de nous, une des dernières œuvres d’Adel Abdessemed, visible sur le stand de sa galerie new yorkaise à la Fiac, était elle aussi impressionnante. Un cube d’un mètre cinquante était formé par des loups, eux aussi empaillés. D’aspect gluant et repoussant, cette stèle de bois, organique et tellurique, provoquait un malaise qu’il était difficile de dissimuler.
Néanmoins l’artiste transalpine poursuit son questionnement sur l’animalité et l’incongruité. Adepte des renversements, on se souvient qu’elle avait mis cul par-dessus tête un avion de chasse à la Biennale de Venise, c’est tout naturellement qu’elle propose ce tapis rouge qui joue le rôle d’une tapisserie renversant les lois de la gravité.
C’est également dans cet esprit que l’on peut voir son dessin géant réalisé avec l’aide du dessinateur Dylan Horrocks. En forme de rouleau de plusieurs mètres de long, la scène représente la carlingue vue de profil d’un avion. Les sièges sont à l’envers. Le haut et le bas sont inversés. Mais cela ne semble pas déranger les passagers qui vaquent aux occupations les plus diverses mais surtout les plus saugrenues.
L’apesanteur joue également son rôle dans les quatre lustres proposés. Ces globes sont sertis de vases ou de modèles réduits de chaises confectionnés par les designers. Avec ces trois nouvelles directions dans son travail, et en continuant à interroger son bestiaire l’artiste italienne n’a pas encore donnée sa langue au chat !
— Paola Pivi, What goes round. Art comes round, 2010. 25 fausses peaux d’ours.
—Â Paola Pivi, Sans titre, 2009. Tirage photographique, aluminium, verre, cadre.
— Paola Pivi, Untitled, 2010. Vases. 50 cm ø
—Â Paola Pivi, Untitled (drawing by Dylan Horrocks), 2009. Encre sur papier. 150 x 1030 cm