ART | CRITIQUE

Wet Dreams

PFlorence Mottot
@17 Oct 2009

Jim Shaw propose, avec ses dessins érotiques de la série des «Dream Drawings» tirés de rêves nocturnes, un travail narratif, presque cinématographique, sur le thème du fantasme et de la transgression.

La galerie Praz-Delavallade présente rue Duchefdelaville 36 dessins de rêves érotiques de Jim Shaw, issus de la célèbre série des «Dream Drawings».
Depuis plusieurs années, Jim Shaw inventorie ses rêves, tout d’abord en les notant par écrit au réveil, puis en les enregistrant sur un walkman. En 1992 il a débuté une série de dessins au crayon de papier basés sur ses visions oniriques et nocturnes (approximativement 500 aujourd’hui).
«Ces Å“uvres sont, en quelque sorte, la transcription éveillée de troubles profondeurs oniriques, nourries des images d’une Amérique foisonnante de rêves et de cauchemars» (catalogue rétrospective Jim Shaw, Mamco/Casino).

Sortes de bandes dessinées, ces 36 dessins, qui font tous 30 x 22 cm, se divisent en différentes cases qui parfois se superposent les unes aux autres. Une narration quasi-cinématographique est à l’œuvre, faite de plans larges ou resserrés, de zooms successifs sur les parties du corps.
Un texte au dos accompagne les images où Jim Shaw retranscrit chaque partie de son rêve. «Il y avait un bâtiment qui avait pour entrée deux jambes conduisant à un organe unique…» est inscrit au dos de l’une des planches. Sur une autre: «Une femme et moi faisions l’amour sur la page d’un livre, dans une position tantrique difficile à exécuter».

Le trait de crayon de chaque planche est classique: doux, rond, précis. Cette retenue formelle tranche avec le caractère cru de l’érotisme de Jim Shaw, tout en conférant une enveloppe «consensuelle», «contenante» au débordement pulsionnel de l’artiste. Une schizophrénie, si l’on peut extrapoler, que l’artiste reconduit dans sa démarche: montrer ces dessins provocateurs en France, loin de l’atmosphère puritaine des États-Unis, est surtout, explicite-t-il, une manière de s’en décharger. Jim Shaw a tenu par ailleurs à ce que les planches ne soient pas diffusées sur internet.

La minutie du trait et la taille des planches amènent le visiteur à se rapprocher, de gré ou de force, des cadres exposés, réduisant la distance naturelle qui le tient éloigné ordinairement des œuvres. Sur les dessins, les hommes sont présentés en érection ou dans des positions masturbatoires. L’un deux a deux pénis. Un autre réalise ses fantasmes dans les rayons feutrés et silencieux d’une bibliothèque.
La proximité physique entraînant un sentiment naissant d’intimité, une forme de sentiment de complicité avec l’univers fantasmagorique de Jim Shaw se noue. C’est une des puissances du trait classique et traditionnel des planches proposées que d’amener le visiteur à sortir de sa position de spectateur passif, à contourner, malgré lui ou non, le piège de l’indifférence offusquée ou de la fascination.

Jim Shaw
— Série «Dream Drawings». Dessins.  30 x 22 cm chacun.

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