Werner Reiterer

A l’entrée de la galerie, Wrapped in Time, un avatar miniature de l’artiste, est allongé à terre. Equipé de capteurs de mouvements, il se met subitement à respirer quand on l’approche. Etre ainsi investi d’un pouvoir de vie et de mort sur l’incarnation en plastique de l’artiste est d’abord amusant puis devient rapidement embarrassant. On fait l’expérience d’un univers aussi grave que facétieux, celui de Werner Reiterer.
Angoissé par la mort, il a choisi de se métamorphoser en un laborantin capable d’échafauder mille opérations pour la déjouer. Soulagé, il jubile alors à l’idée d’abandonner ses inventions bien huilées au spectateur qui devra en démêler les fils pour découvrir, derrière leur espièglerie apparente, une réelle puissance.

Plus loin, The Site Specific Mobiles, Boarding, 2012, planche de photos et de dessins documentant un projet in situ de l’artiste, obéit au même principe. Pour bousculer les fidèles d’une église et les mettre face à leur croyance et à leur mort, Werner Reiterer s’était amusé à accrocher un panneau lumineux indiquant l’heure d’embarquement pour le paradis.

Tout autant révélateurs sont The Drawn Exhibition, des séries de dessins au crayon gris accrochés aux murs ou empilés à la hâte. Stakhanoviste des idées qu’il craindrait d’oublier, Werner Reiterer se met en 1996 à les consigner sur papier. Sorte de laboratoire à projets, parfois réalisables et réalisés, d’autrefois condamnés à rester dans leur cadre, ces dessins font l’effet d’un voyage dans l’univers mental de l’artiste.
Là une pancarte divine indiquant sèchement que le ciel est fermé, plus loin une ville saturée de routes infernales, ici le cercueil d’un enfant qui s’est suicidé, ou encore une cynique inscription en os évoquant l’anorexie, sont autant de devinettes métaphysiques oscillant entre le comique, le cynique et l’absurde que le spectateur peut attraper au vol ou laisser filer.

Werner Reiterer ne varie pas son mode opératoire lorsque ses installations se frottent à d’autres sujets. Le projet dans lequel une fontaine déversait sur le trottoir une eau noirâtre, illustré dans la planche Liquid Black Night Fountain, fait figure de ruse drôlement efficace pour ouvrir le débat sur l’écologie.
Et, non sans humour, l’artiste fait d’une gazinière électrique l’incarnation d’une femme dont nous entendons battre le cœur… enfermé dans le four. Très loin d’un vulgaire cliché machiste, l’installation When Feminism Becomes Form utilise le rire et amène le spectateur à sérieusement réfléchir sur la condition féminine.

Pour couronner le tout, une simple armoire vitrée amène l’absurde à son paroxysme. Un message fixé sur la porte enjoint le spectateur d’«hurler de toutes ses forces». Le voilà devant ses inhibitions qu’il va devoir chasser. Une fois le cri émis, une lumière s’allume tandis que le son d’une respiration se répand dans l’espace. D’abord perplexe bien qu’amusé, il comprend rapidement qu’un meuble vient de lui donner la preuve de la force invisible de l’art.

«L’astuce, c’est de traiter la mort avec un parfait aplomb, sans respect. On a besoin de la devancer pour pouvoir se retourner soudain et lui tirer la langue!», résume Werner Reiterer. Nouvelle tentative de bousculer et d’interroger les conceptions ordinaires, il serait simpliste de ne voir dans son travail qu’un vaste canular.

Å’uvres
— Werner Reiterer, Wrapped in Time, 2012. Tissus, éléments électroniques divers, haut-parleur, perruque, plastique. 22 x 49 x 106 cm
— Werner Reiterer, Mothers Advice, 2010. Meuble, éclairage, microphone, haut-parleur, feuille de papier, éléments électroniques, 208 x 101 x 46 cm
— Werner Reiterer, No title (Brain), 2012. Clé, porte-clé, étiquette. 11,5 x 4,5 x 1,5 cm
— Werner Reiterer, When Feminism Becomes Form, 2010. Cuisinière, haut-parleur, platine, éléments electroniques, capteur de mouvement. 88 x 50,5 x 101 cm
— Werner Reiterer, Série « The Site Specific Mobiles », Boarding, 2012. Photos, dessins. 133,5 x 102,5 cm
— Werner Reiterer, Série « The Site Specific Mobiles », Liquid Black Night Fountain, 2012. Dessins. 119 x 118,5 cm
— Werner Reiterer, Série « The Site Specific Mobiles », Speakers Corner, 2012. Photos, dessins. 104 x 186,8 cm
— Werner Reiterer, The Drawn Exhibition, Sorry we´re Closed!, 2009. Crayon sur papier. 70 x 50 cm
— Werner Reiterer, The Drawn Exhibition, How to See the 2000 Years Past of the World, 2011. Crayon sur papier. 70 x 50 cm
— Werner Reiterer, Série « The Drawn Exhibition », Untitled, 2011. Crayon sur papier. 70 x 50 cm
— Werner Reiterer, Série « The Drawn Exhibition », Untitled, 2010. Crayon sur papier. 70 x 50 cm
— Werner Reiterer, Série « The Drawn Exhibition », Untitled, 2011. Crayon sur papier. 70 x 50 cm
— Werner Reiterer, Série, « The Drawn Exhibition », A Baby Commits Suicide, 2010. Crayon sur papier. 70 x 50 cm
— Werner Reiterer, Série « The Drawn Exhibition », Monument of the Speech, 2010. Crayon sur papier. 70 x 50 cm
— Werner Reiterer, Série « The Drawn Exhibition », The Shit Fountain, 2006, Crayon sur papier. 70 x 50 cm
— Werner Reiterer, Série « The Drawn Exhibition », The JFK–Monument, 2010. Crayon sur papier. 70 x 50 cm
— Werner Reiterer, Série, « The Drawn Exhibition », Untitled, 2012. Crayon sur papier, 70 x 50 cm
— Werner Reiterer, Série « The Drawn Exhibition », ?, 2009, Crayon sur papier. 70 x 50 cm
— Werner Reiterer, Série « The Drawn Exhibition », Offer of Right at the Top!, 2010. Crayon sur papier. 70 x 50 cm
— Werner Reiterer, Série « The Drawn Exhibition », Anorexic Idea, 2011. Crayon sur papier. 70 x 50 cm
— Werner Reiterer, Série « The Drawn Exhibition », Untitled, 2011. Crayon sur papier. 70 x 50 cm
— Werner Reiterer, Série « The Drawn Exhibition », Good Cop/Bad Cop, 2010. Crayon sur papier. 70 x 50 cm
— Werner Reiterer, Série « The Drawn Exhibition », Rocker, 2011. Crayon sur papier. 70 x 50 cm
— Werner Reiterer, Série « The Drawn Exhibition », Untitled, 2011. Crayon sur papier. 70 x 50 cm
— Werner Reiterer, Série « The Drawn Exhibition », Study about The Lamentation over the Dead Christ by Andrea Mantegna (1431–1506), 2012. Crayon sur papier. 70 x 50 cm
— Werner Reiterer, Série « The Drawn Exhibition », Untitled, 2012. Crayon sur papier. 70 x 50 cm
— Werner Reiterer, Série « The Drawn Exhibition », Smoke Grenade Machine, 2012. Crayon sur papier. 70 x 50 cm