Werner Reiterer
«L’astuce, c’est de traiter la mort avec un parfait aplomb, sans respect. On a besoin de la devancer pour pouvoir se retourner soudain et lui tirer la langue!».
(Werner Reiterer, «Werner & Reiterer & Conversation, Collage d’entretiens divers», in Text(e)s, Editions Loevenbruck, Paris, 2009, p.190)
La mort, l’au-delà , et plus généralement la condition humaine sont des thèmes que Werner Reiterer s’emploie à traiter de manière irrévérencieuse. Dans cette opération de démystification et de détournement, le spectateur joue un rôle central. Souvent pris par surprise, il est placé dans des situations déroutantes aux limites de l’absurde, dont rendent compte, notamment, les Sites Specific Mobiles (planches documentant les projets in situ de l’artiste).
C’est ainsi qu’à l’entrée d’une église (The Site Specific Mobiles, Boarding, 2012), le fidèle est interloqué par un panneau lumineux indiquant l’heure d’embarquement pour le paradis, ou encore, qu’au hasard d’une balade, le promeneur fait face à une fontaine déversant une eau d’un noir opaque (The Site Specific Mobiles, Liquid Black Night Fountain, 2012): jaillissement de pétrole, « shit fountain» ou liquéfaction du noir de la nuit, selon les interprétations (Le dessin The Shit Fountain (2006), extrait de la série The Drawn Exhibition est présenté dans cette exposition en regard de l’œuvre Site Specific Mobile, Liquid Black Night Fountain (2012).
Le visiteur est également appelé à interagir avec les œuvres. Il active par sa présence les pièces équipées de détecteurs de mouvement, comme cet avatar de l’artiste dont la poitrine se soulève et respire (Wrapped in Time, 2012) ou encore la cuisinière électrique dont on entend battre le cœur (d’une femme, comme le précise avec humour le titre de l’œuvre) (When Feminism Becomes Form, 2010). Un dialogue s’instaure ainsi avec le visiteur d’abord piégé puis amusé et finalement perplexe, la réflexion supplantant l’étonnement.
Werner Reiterer présentera également des dessins issus de la série The Drawn Exhibition. Initiée en 1996, celle-ci observe toujours le même protocole technique: pour chaque dessin, 17 crayons à papier différents sont utilisés et un format identique (70 x 50 cm) est imposé. Un imagier, tout en nuances de gris, se déploie ainsi dans le temps et nous immerge dans l’exposition mentale de Werner Reiterer. Ces esquisses de projets — réalisés, réalisables ou complétement improbables — et la concrétisation d’idées sous formes d’installations ou de sculptures, alimentent une œuvre qui oscille entre le réel et le fictionnel, le matériel et l’imaginaire, le tangible et le spirituel.
critique
Werner Reiterer