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Well Charged

Entre illustration et graphisme, Keegan McHargue revient cette année avec des portraits charge. Plus qu’avant, les visages s’invitent dans les compositions. Monstres, freaks, personnages de cabaret, numéros de transformistes, un esprit de foire du Trône plane sur l’expo.

Une tête de cochon rose se superpose à celle d’un éléphant, le cornet en gaufre d’une glace à l’italienne nous fait une grimace. Un affreux jojo, fruit d’un collage photographique arcimboldien, se mélange les pinceaux avec des bonbons sorties d’une boîte de Quality Street. Un maillet de criquet tape dans une balle tandis que des pelles de jardiniers regardent, avec leurs grands yeux ouverts, la scène se dérouler. Un monsieur Big Mac s’étire de toute sa hauteur sur la feuille de papier. Son corps est aussi long et cerclé que les cous des femmes girafes de Birmanie. Sa tête est en mie de pain, son visage en laitue, son bassin en oignons. Il se répand en couleur sur la feuille blanche, dans une couleur irisée, une sorte de mélange de sauces blanches et ketchup. Grotesques et naturels, les personnages peuvent avoir des têtes de gland. Les hommes ont des très grand nez tombant très phallique. Les yeux sont petits comme des miniatures flamandes, tout comme le rouge aux ongles des femmes.

La composition est plus simple que lors de la précédente exposition. Tout est moins alambiqué, moins travaillé, la priorité est donnée au trait, à l’incision. La géométrie est toujours à l’honneur, mais elle se fait oublier, elle reste une trame, un fond, elle ne constitue plus un enjeu essentiel. Sa présence est toujours nécessaire, c’est elle qui harmonise et distribue l’espace pas sa symétrie, son quadrillage orthonormé ou labyrinthique.
S’il fallait décrypter les premiers dessins du jeune artiste américain, s’il fallait les suivre comme on démêle une pelote de fil, comme on résout une charade, il faut désormais décortiquer les têtes comme des puzzles aux significations multiples. L’intérêt n’est plus dans la structure géométrique, elle réside désormais dans l’originalité des saynettes proposées. Les règles de compositions sont reléguées à l’arrière plan, elles n’ont plus qu’un rôle décoratif. Elles unifient l’espace et permettent aux personnages de livrer leurs masques de carnaval. Les visages guignolesques trouvent leur place et tiennent d’autant mieux leur rôle.

Epouvantails guignolesques, les personnages de McHargue évoquent les travaux de Paul McCarthy et ceux de la contre-culture américaine des années 1990. Un style ketcho-trash qui permet pas mal d’aller retour. Un jeu de va et vient permet toutes les combinaisons possibles. Les couleurs des cornets de glace vont dans cette logique de junk food. La rigueur est aussi de mise. La mise au carreau des tableaux est là pour le trouver. La logique de la grille permet de quadriller l’espace. Ce sont des pièges dans lesquelles les personnages trébuchent. Pris dans des spirales ils se retrouvent cul par-dessus tête, les quatre fer en l’air. Ils se retiennent aux lignes de peinture comme on s’agripperait aux branches d’un arbre.  Cette méticulosité dans l’agencement des plans permet de franchir les limites, déplacer les frontières, pousser les murs. 

Keegan McHargue
Cracked Lansdcape. Techniques mixtes.
Banquet. Techniques mixtes.
Lawn Games. Techniques mixtes.
Pinata. Techniques mixtes. 

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