ART | CRITIQUE

Welcome to suicide park

PAurélie Romanacce
@03 Mar 2008

Les installations que Claude Lévêque présentent à la galerie Kamel Mennour combinent et confrontent les matériaux, les atmosphères et les références au travers desquelles se tissent une série de fictions sur la fragilité de l’existence et la violence du monde.

En entrant dans la galerie on est surpris : des trottinettes, un garde manger avec deux diadèmes et des déambulateurs sont suspendus dans le vide et tournent lentement sur eux-mêmes. Accrochés deux par deux et symétriquement inversés, les objets défient la pesanteur et projettent leurs ombres mouvantes sur des voiles blancs qui ondulent sur le mur. Le bruit des ventilateurs est couvert par un enregistrement syncopé et répétitif de bruits de percussions qui scande la rotation de ces étranges mobiles.

Chacun de ces objets en mouvement dans l’air semble être l’incipit d’une narration en devenir. Suspendus à l’envers, ils suscitent un trouble propice à la fiction que leurs ombres projetées renforcent en les délestant de leur matérialité et en les transformant en éléments de décor d’un théâtre intime. Tout comme la récurrence du double, qui prive les objets de leur fonction, les figent en vanités et les frappent d’étrangeté, confère un aspect mortifère à l’installation qui semble exprimer les différents âges de la vie.

Dans cette installation intitulée Welcome to Suicide Park, Claude Lévêque nous confronte à l’instabilité et au mystère de l’existence. A partir de ces éléments de fiction pour établir des connexions et constituer ainsi son propre récit.
L’exposition devient alors le lieu d’un hors champ qui nous offre la possibilité d’observer et d’appréhender le monde comme une projection.

La seconde installation est en revanche conçue comme un environnement dans lequel il faut entrer. Réalisée à partir d’un assemblage de capots de voitures, l’œuvre est une sorte d’abri dans lequel est suspendu un précieux lustre de cristal: les bougies des moteurs se sont transformées en bougies électriques allumées.
Ces éléments hétérogènes produisent des paradoxes visuels suscitant  les interprétations les plus baroques, et conduisant, comme il est écrit en lettres de néon accrochées au mur, à Etre plus fou que celui d’en face.

La dernière installation se compose de treize panneaux de portes en bois recouverts d’une feuille de plomb portant des empreintes de coups de poings. Ces traces de poings dans le métal fontt songer aux peintures rupestres et témoignent de la violence d’une rage. A partir du registre esthétique de l’art minimal, Claude Lévêque réalise là une œuvre qui s’inscrit dans le monde avec virulence.

Publications

— Christian Favier, Episode I, Claude Lévêque, le Grand Sommeil, Mac/Val, Vitry-sur-Seine, 2006.
— Masachi Ogura et Eriko Osato, Double Manège, Contemporary Art Center, Mito, 2003.
— Cécile Dazord et Fabrice Hergott, City Strass, Welcome to Pacific Dream, Musée art moderne et contemporain de Strasbourg, 2002.

Claude Lévêque
— Sans titre, 2008. Installation (Trottinettes, déambulateurs, garde-manger, diadèmes, moteurs, voiles jour, ventilateurs, bande sonore, système son (ampli + haut-parleur), projecteurs à découpes). Dimensions variables.
— Sans titre, 2008. Abri composé de 32 capots de voitures, armature métallique et lustre à pampilles. 5 x 3 x 2 m.
— Etre plus fou que celui d’en face, 2008. Tube néon blanc. 112 cm de long.
— Sans titre, 2008. Coffrage en bois et feuille de plomb. 1 x 2 m.

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