Bill Hayden, Sam Pulitzer, Antek Walczak
War Pickles II
« War Pickles II » est une exposition amusante, emplie de guerre et de condiments, que chacun pourra assurément comprendre et apprécier en toute liberté, sans années d’études supérieures ni un sens du goût particulièrement recherché. De l’art qui vous assaille les papilles et vous donne un coup aux tripes, pour finir avec un beau rot de soulagement.
Commençons par tâter le terrain du déséquilibre psychique entre le marché et l’économie, termes implantés dans nos esprits comme s’ils s’opposaient, alors qu’ils fonctionnent selon les lois les plus subtiles d’une sournoise dialectique. Le marché est un endroit réel, celui du sale boulot, où nous retroussons les manches et nous livrons à des activités humaines — tout comme notre visite régulière aux lieux d’aisance — mais en public et avec de bonnes manières.
Nous sommes toujours sur nos gardes quant à la façon dont nous apparaissons sur le marché, ou comment nous avouons notre fréquentation de cet impitoyable démon matérialiste du quotidien. Cela ne vous arrive pas seulement en pleine figure, cela la déforme durablement — rides, plis, froncements, sourires rigides qui accueillent les clients dans les pharmacies comme les boulangeries. L’argent est le pur symbole qui masque le dur labeur.
Oh, mais l’économie est impalpable, ses lubies affectent le système entier et sont trop complexes pour que les mortels puissent les démêler. Il suffit de dire que l’économie, à l’échelle de l’équilibre cosmique, illumine la terre ou la désapprouve. Comme la foi, elle répand sa parole et ses promesses — grâce à un serviteur bossu qui s’appelle marché — avec une idéologie suffisamment forte pour conquérir et gouverner, qui s’étend à tous les domaines. Il y a des économies esthétiques, des économies du sexe, des économies de déplacement, et même des économies de la folie. On peut donc dire que l’économie est la folie la plus perverse de la métaphysique, un ange exterminateur né des cendres d’un dieu mort et plein de ressentiment.
Tout matérialisme dépourvu d’élément subjectif est clairement cinglé. Matériau versus matérialisme. «War Pickles» ne pourra jamais mettre en avant l’expression ou le concept comme matériau de l’art car tout ce qui compte dans les condiments, ce sont les ingrédients. Le concept consiste moins à brouiller les frontières qu’à sauter par-dessus les tranchées en chargeant l’ennemi. Qu’est-ce qu’un bocal de cornichons peut dire aujourd’hui? Que disait-il avant? Peut-il en dire plus lorsqu’il s’expose dans une galerie d’art que lorsqu’il chante dans une comédie musicale de Broadway? «War Pickles» ne comprend pas la question.
Il faut être cinglé pour confondre matériaux et ingrédients. Il ne suffit pas à «War Pickles II» d’observer passivement les données du quotidien (la technologie, la biorobotique charneuse, l’organique et le modifié), ni de les représenter ou les méditer. «War Pickles II» veut véritablement toucher la marchandise, lui prêter affects et sentiments (si possible), faire pleurer les choses/objets, les faire rougir, les faire rire et s’inquiéter de l’avenir.
Une exposition sur proposition de Eva Svennung