Le père de Pavel Braila, né en Moldavie, avait imaginé un parcours particulier pour son fils qui lui rend hommage en effeuillant les probabilités d’une vie hypothétique. Mais ces désirs inassouvis ne constituent-ils pas un discours plus critique sur un peuple à la recherche d’une vie à l’image de celle de pays plus “modernes” ?
«Want», écrit à l’aide de néons rouges qui s’allument successivement, nous fait face dès l’entrée. Vouloir: la volonté de Pavel Braila est bel et bien de satisfaire les «fantasmes» de son père par l’illustration de ce qu’aurait pu être le chemin de vie qu’il avait tracé pour lui.
Les Father’s Dreams se déclinent sous la forme de peintures qui jalonnent différentes étapes. Le pire des cauchemars ouvre l’exposition. Le Buveur de bière ou le cauchemar de mon père laisse planer la crainte d’un enfermement dans l’alcoolisme pour l’artiste, mais bien au-delà de cela pour toute autre personne confrontée au chômage et à l’impossibilité de s’insérer dans une société qui va mal.
Représenté tour à tour dans des métiers qu’il n’a jamais envisagé d’aborder ou de poursuivre, Pavel Braila décrit les déceptions de son père devant des carrières inabouties. Face aux mots de celui-ci, «Quel genre d’artiste es-tu qui ne peut même pas peindre un portrait?» et à l’incompréhension de son choix de carrière artistique, Pavel Braila répond en commandant à quelqu’un d’autre cette série de toiles. Résistant une fois encore à la pression, il cherche à montrer à travers ces images une autre façon de s’engager.
Dans les rêves de réussite de son père, l’artiste est tout d’abord interprète, pompiste, ou horloger. Mais il pourrait aussi être vigneron pour perpétuer la tradition familiale. Il aurait pu être musicien s’il avait continué à s’exercer dans les cours où il avait été inscrit, ou bien encore cosmonaute pour marcher sur les traces Youri Gagarine après son exploit du 12 avril 1961.
Le passé se mêle à un futur inaccessible, l’héritage d’une famille à celui de tout un pays. La fierté paternelle qui ne voit la réalisation de l’homme que dans le service militaire se confond avec celle d’une patrie qui désire et s’invente un essor qui tarde à venir.
Cinq heures est la dernière peinture exposée. Un bureau vide est éclairé par la lumière naturelle du jour qui décline. C’est le moment où la vie professionnelle d’un employé de bureau s’arrête. Ce repère enferme l’homme, salarié d’une société qu’il aide à développer, dans un créneau horaire rassurant.
Sous un alibi personnel, l’artiste décortique les travers de son pays. La peur de ne pas maîtriser les esprits et de ne pas pouvoir contenir les désirs d’un peuple qui cherche à progresser et à sortir des carcans qu’on lui impose semble transparaître de ces images d’Épinal.
Enfin, sa performance White Promenade, retranscrite sous la forme d’une vidéo, montre l’artiste qui forme des cercles en marchant. Un paysage d’arbres squelettiques projeté se découpe sur un champ de neige transformé en écran immaculé.
Cette toile naturelle devient le tableau d’une action militante. De la périphérie au centre, Pavel Braila inscrit dans le sol les traces de son passage. Il détruit la surface vierge pour en créer une nouvelle. Malgré cette impression de “tourner en rond” et de ne pas pouvoir changer le cours des choses, il prouve que c’est en déconstruisant ce qui existe que l’on peut bâtir et envisager de nouvelles perspectives.
Pavel Braila
— Want, 2008. Néon. 50 x 150 x 25 cm
— Spaceman, 2008. Huile sur toile. 160 x 200 cm
— Wait for me, 2008. Craquelure et huile sur toile. 100 x 80 cm
— 5 O’ clock, 2008. Huile sur toile. 130 x 105 cm
— Translator, 2008. Huile sur toile. 125 x 160 cm
— One of father’s nightmares, 2008. Huile sur toile. 90 x 90 cm
— Gas station attendant, 2008. Huile sur toile. 100 x 80 cm
— Watchmaker, 2008. Huile sur toile. 60 x 80 cm
— Winemaker, 2008. Huile sur toile. 160 x 200 cm
— Musicians, 2008. Huile sur toile. 120 x100 cm
— Plunge, 2006. Vidéo et son. 6 min