Anne-Gaëlle Burban
W.W.W
Littéralement «toile (d’araignée) mondiale», l’acronyme de World Wide Web est ici une métaphore expérimentale de l’art et plus particulièrement de sa monstration. Accrocher des Å“uvres dans un lieu d’exposition, c’est aussi agencer une suite dynamique d’histoires que l’on donne à voir au public. Entre visible et invisible, matériel et immatériel, la création actuelle est, pour ainsi dire la mémoire vive de notre société. Comme une toile d’araignée elle capte, rend compte et met en réseau une somme infinie d’écritures individuelles et collectives. En partant de l’œuvre de Thomas Lanfranchi (Rien, 2009), suivant le protocole de la libre association d’idées, les mots s’articulent ici avec les Å“uvres. Sous forme de rapprochements et de jaillissements automatiques et poétiques, une arborescence subjective et exploratoire du fonds d’œuvres de l’Artothèque se tisse.
Ici Anne-Gaëlle Burban a choisi de jouer la carte de la dérive pour opérer des rapprochements tantôt formels, tantôt conceptuels afin de proposer un questionnement alternatif de l’idée de collection. Lieu de connexions entre les œuvres, les artistes et les spectateurs, l’exposition «W.W.W.» convoque et rassemble des univers aussi éclectiques que ceux d’Abdelkader Benchamma, Daniel Buren, Paul Cox, François Deladerrière, Gédéon, Laura Henno, Christian Jaccard, Emmanuel Lagarrigue, Guy Limone, Jürgen Nefzger, Lucien Pelen, Hugues Reip, Georges Rousse, Anne Rowe, Taroop and Gabel, Djamel Tatah et Jean-Michel Vaillant.
Point de départ, point d’arrivée? L’œuvre intitulée Rien de Thomas Lanfranchi est au cœur de ces connexions. Et rien c’est déjà quelque chose! En effet, on se souvient peut-être que rien vient du latin rem, accusatif de res (chose). Ainsi les mots ont leurs histoires et les choses parfois s’en amusent. De cette ambivalence chronique nous allons jouer ici. A partir de rien que peut-on percevoir, sentir, faire, dire? Parce que le vide est peut-être plein de plein, quels sont les liens qui, spontanément, vont pouvoir réapparaître?
Partant de l’hypothèse existentielle qu’au commencement était l’action, le cheminement proposé est celui d’un train de pensées incarné par les œuvres où les condensations côtoient les juxtapositions et les déplacements. Agissant parfois en contrepoint, ces dernières glissent intuitivement les unes sur les autres afin de mettre à jour de nouvelles cohérences. A l’instar d’une archéologie du présent, le fonds de l’artothèque est ici visité dans l’intention de faire émerger la permanence du geste, de la trace et du signe comme point de rencontre entre ces différentes démarches artistiques. Entre l’esprit, l’outil et le corps, les œuvres ici rapprochées nous invitent à vivre une expérience esthétique singulière et symbolique. A la manière d’un cabinet de curiosités contemporain ou encore d’un cadavre exquis, ces mises en dialogue s’articulent autour de cinq notions fortes de notre vie quotidienne: l’inframince, l’équilibre, l’intime, l’illusion et le temps.