— Auteur : Éric Hattan
— Éditeur : Frac Alsace, Sélestat
— Année : 2005
— Format : 21 x 29,50 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : 30
— Langue : français
— ISBN : non précisé
— Prix : 8 €
Présentation
par Christelle Kreder (extraits)
Retourner quelque chose comme on retourne une manche ou tout simplement retourner, rendre visible l’invisible ou cacher le visible. Éric Hattan se sert avec prédilection d’un procédé de distanciation décryptable et réversible. Ce procédé peut en quelque sorte être perçu comme une des façons de concevoir le monde autrement. Il casse l’ordre des choses et ébranle l’immobilité du monde avec son ironie légère et enjouée.
Pour cette exposition en lien avec la collection du Frac Alsace, l’artiste imagine une ville fantôme, composée de constructions instables et énigmatiques et invite le visiteur à déambuler, afin de mieux appréhender cet espace d’ordinaire si immédiatement lisible, d’en élaborer mentalement une cartographie cohérente.
« Je réponds d’abord de manière instinctive à la situation donnée. Puis j’essaie de développer certaines idées pour aborder ce lieu et ensuite je commence à réfléchir sur les implications possibles. »
Pour tirer parti des contraintes liées à la complexité de l’espace d’exposition, il l’a minutieusement étudié dans ses moindres recoins: il a inspecté l’intérieur de la cimaise, soulevé les planchers, testé la résistance du plafond, questionné les usagers sur leurs habitudes.
Mais surtout, il a passé de longues heures dans les réserves du Frac Alsace. C’est au milieu des œuvres, des caisses, des boîtes que s’est précisé son projet. Éric Hattan a choisi d’extraire de leur lieu de stockage des œuvres de la collection conditionnées sous caisse et de les faire entrer dans le champ du visible de la salle d’exposition. Il donne à voir au visiteur un aperçu des inaccessibles coulisses du Frac. Visiblement, les lacunes et limites des règlements l’inspirent. Et que voit-on finalement ? Des caisses vides ? Des œuvres dans une caisse ? Des caisses contenant une œuvre ? Et leurs conditions extrêmes de présentation ne seraient-elles pas un défi lancé à toutes les règles élémentaires de conservation des œuvres d’art ?
ll a décidé alors de recréer, au sein de cet espace totalement ouvert sur la ville par ses grandes baies vitrées, des volumes très architecturés qui se jouent des notions d’intérieur et d’extérieur; d’employer l’imposante cimaise comme support inédit de présentation de vidéos et accentuer de ce fait la présence déjà forte de cette singulière structure; il a envisagé d’utiliser le plancher pour y installer des moniteurs et moduler cette grande surface plane; de suspendre des éléments au plafond pour souligner la démesure des proportions du lieu.
« Ce que l’art peut apporter à la vie, c’est un affinement des sens et la possibilité de se mouvoir dans un monde imaginé »
Eric Hattan nous guide avec légèreté dans son univers empreint à la fois de réalisme et d’idéalisme en manipulant les évidences par des détournements subtils et ludiques. Et parmi ces évidences, c’est peut-être le paradoxe de l’appropriation totale par l’artiste d’un espace résolument destiné au public qui se reflète dans le titre même de l’exposition « Vous êtes chez moi ! ».
(Texte publié avec l’aimable autorisation du Frac Alsace — Tous droits réservés)
L’artiste
Éric Hattan est né en 1955. Il vit et travaille à Paris et à Bâle.