Céline Berger, Carole Benzaken, Juliano Caldeira, Damien Cadio, Gérard Fromanger, Thomas Lévy-Lasne, Axel Pahlavi, Simon Pasieka, Alexej Tchernyi, Carmelo Zagari, Éric Corne
Voir en peinture III
« Voir en peinture III » s’inscrit dans la continuité d’une série d’expositions manifestes en France et à l’étranger sur le thème du pictural sous toutes ses formes, dont le projet et les commissariats ont été portés par Éric Corne. Ce troisième volet en France, à La Box, s’intègre au colloque organisé par l’École nationale supérieure d’art de Bourges: Sortir de la grille du modernisme, la Narration. Elle réunit les oeuvres de Céline Berger, Carole Benzaken, Juliano Caldeira, Damien Cadio, Gérard Fromanger, Thomas Lévy-Lasne, Axel Pahlavi, Simon Pasieka, Alexej Tchernyi, Carmelo Zagari. Ces artistes de générations et d’approches différentes ont un « réalisme » qui leur est propre dans l’usage de la peinture et de ses multiples perceptions.
Art de l’analogia, la peinture harmonise l’intervalle, la distance de ce qui est dévié, du verbe à l’image. Par leurs moyens et leurs styles, et à des degrés différents, ces artistes ont réussi à déjouer les caractères littéralement illustratifs ou même narratifs de leurs figurations. Pour cela, ils ont utilisé des stratégies différentes, mais l’imaginaire est commun, au-delà du genre, lié aux différents niveaux de sensations qu’ils perçoivent. «Il y a deux moyens de dépasser la figuration (c’est-à -dire à la fois l’illustratif et le narratif): ou bien vers la forme abstraite, ou bien vers la figure. Cette voie de la figure, Cézanne lui donne un nom simple: la sensation. La figure, c’est la forme sensible rapportée à la sensation.» (Gilles Deleuze).
Chaque peintre précédé de la main de tous les peintres depuis sa première empreinte sur une paroi rocheuse, est solitaire dans sa quête et rejoue «une chose complète, une perfection qui nous rend l’espace tangible… dans le moment de l’infini. La peinture est un monde en soi.» (Van Gogh). Céline Berger, Juliano Caldeira, Damien Cadio,Thomas Lévy-Lasne, Axel Pahlavi, Simon Pasieka, nous montrent avec leurs œuvres que l’ici et maintenant n’est plus justement perceptible, qu’une solidarité au réel s’est dissoute. Ils peignent des no man’s land, espaces virtuels où la vie (avec son apparence spectrale) se met en scène: représentations à la fois picturales et théâtrales. Souvent la peinture contemporaine non assujettie à un sujet défini, est avant tout question de mixages, de références parfois aléatoires à l’aune du multimédia et de ses images compressées et en infinies arborescences. C’est une nouvelle mythologie qui s’y découvre avec ses signes et symboles complexes où ces peintres, par collages, projections d’images, ratures et biffures, cherchent la permanence du visible et de son lien encore possible avec le réel entrevu dans la quotidienneté. L’objectivité photographique, dévoilée sous son apparence picturale dans ces œuvres présentées, se révèle proche de l’éblouissement avec son caractère énigmatique, voire fantomatique. Apparition et disparition, la peinture est un théâtre d’ombres dans le cinéma d’animation d’Alexej Tchernyi, mais aussi dans les œuvres de Carole Benzaken où, dans la fragmentation de ses peintures et de ses dessins rétro-éclairés, c’est la source de l’image avec ses mémoires géologiques qui est recherchée.
L’œuvre de Gérard Fromanger, avec ses faisceaux de signes et de lumière, de plain pied dans le monde moderne et ses techniques, s’inscrit dans ces arrangements. Leurs propositions traduisent la vitalité et la vivacité de ce medium complexe, en permanente métamorphose avec des pratiques qui sont en constants et insistants déplacements des possibles en peinture. Ces générations d’artistes se repositionnent face à la modernité et ses acquis en ne s’aliénant pas dans une technique ou un courant artistique définitif. Et sous l’apparence de la spontanéité de leur geste pictural, voire de leur primitivisme, ils montrent, (exposent), l’expression de leur hésitation devant l’inconnu, entre attirance et répulsion. Si la peinture de Carmelo Zagari semble riche d’histoires, de légendes ou de contes, il ne les illustre pas, chacune de ses œuvres avec leur réalisme magique trouve son ironique étrangeté et l’insolent hiératisme des figures s’émancipe de toute narration.
Vernissage
Jeudi 5 avril 2012 Ã 18h