— Éditeurs : Le 19 — Centre régional d’art contemporain, Montbéliard / Provincia di Modena, Modène / Galerie Katrin Rabus, Brême
— Année : 2002
— Format : 24 x 24 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : 127
— Langues : français, italien, allemand
— ISBN : 2-910026-66-3
— Prix : 25 €
Préface
par Philippe Cyroulnik
La sculpture de Vladimir Skoda a longtemps porté en elle l’énergie incandescente de la matière en fusion. La matière a longtemps été pour lui la mémoire cristallisée de cette énergie; la mémoire du monde même. Forgeron de l’informe, de cette materia prima qu’est le métal chauffé à cœur, il le travaillait à l’aveugle mêlant intimement pensée et intuition de la forme. La forme était dans ce cas le point nodal entre l’infinitésimal de la molécule et l’infini de l’univers: ouvrée par la lumière noire d’une énergie originelle, point dans l’expansion de la matière, absorbant ou réfractant la lumière. Il est dans la nature même de son œuvre qu’il se soit non seulement passionné pour la densité de la masse qui condense en elle l’énergie et l’espace mais qu’il ait aussi infléchi son propos vers les possibilités qu’offraient ses volumes en tant que surfaces de réfraction. Il y a dans son œuvre une vision cosmogonique de la matière.
Ce n’est pas sans raisons que Skoda convoque sur un mode spéculatif et poétique la science et la métaphysique. L’émergence de l’acier poli traduit ce renversement opéré dans les relations de sa sculpture à la matière; il serait plus juste de parler d’élargissement de son champ d’intervention. Ce qu’induit ce travail de la surface, c’est l’altération, la modification de l’espace et des corps à la surface circulaire et courbe de ses sculptures; leur distorsion. Très logiquement, il a intégré le mouvement du corps et celui de la forme à ces nouvelles données du travail. À la géométrie euclidienne, il a dès lors privilégié les transformations et ouvertures qu’autorisait cette prise en compte du mouvement de la matière et de la forme dans l’espace. Intégrant une dimension cinétique à sa sculpture, Skoda met à profit les potentialités formelles et fictionnelles du mouvement et de la lumière. À la densité tangible de la matière se substitue la fugace présence de visions produites par l’interaction entre la surface des sculptures, leur mouvement dans l’espace et la réflexion des corps et de la lumière.
Skoda intègre dans l’exercice et la pensée de sa sculpture la logique elliptique du mouvement des corps dans l’univers. Il éprouve celui-ci comme le lieu même du sphérique et de la courbe, à l’encontre de l’espace mental que configurerait l’angulaire et l’orthogonale. Le géométrique fait retour comme dans l’ensemble Cinq corps de Platon avec des polyèdres configurés à leur surface. Mais les lignes de leurs structures sont absorbées par l’espace fictionnel que crée le lisse ou le brillant de leur surface. Ces « figures » vont connaître un va et vient entre affleurement et disparition, condamnées à n’être que des apparitions fragiles et éphémères, prises dans les rets des pièges visuels que sont devenues les surfaces de ses sculptures. Elles happent l’espace réel, l’altèrent et nous entraînent dans l’espace virtuel où se font et se défont les choses :
Entre corpuscules et palais célestes.
Entre l’infini de l’utopie et le rien de l’anti-matière.
Entre écho et vision.
Entre le double et le dissemblable.
(Texte publié avec l’aimable autorisation de Philippe Cyroulnik et des éditions Le 19 — Centre régional d’art contemporain de Montbéliard)
L’artiste
Vladimir Skoda est né en 1942 à Prague, République tchèque. Il vit et travaille à Paris depuis 1968.
Les auteurs
Philippe Cyroulnik est critique d’art et commissaire d’exposition.
Mario Bertoni est commissaire de l’exposition « Vladimir Skoda » à l’église San Paolo, à Modène, Italie.