Gonzalo Garcia Pelayo
Viv(re) la vie! Symphonie underground
Dans le contexte de l’Andalousie de la transition démocratique et des nouvelles perspectives qui s’ouvrent aux Espagnols après de longues années de dictature sous Franco, Gonzalo GarcÃa Pelayo filme la vie qui renaît, le désir, le sexe, le goût pour l’excès et le nouveau.
De ce besoin impérieux de capturer une réalité susceptible de s’évanouir, naît son oeuvre: à travers des personnages locaux singuliers (parfois cachés) filmés pour la première fois, les rues de la Séville des années 1970, les levers de soleil sur les champs andalous, la poussière du chemin vers El RocÃo…, le cinéaste se découvre anthropologue et fabuliste, fasciné par cette région et ces habitants.
À cet enthousiasme ne pouvait correspondre qu’une pratique filmique libre et irrévérencieuse, esquivant les formes préétablies. La grammaire cinématographique traditionnelle est subvertie et les frontières entre les genres dépassées au profit de l’expérimentation formelle, tout particulièrement dans le dialogue entre son, texte et image. Le cinéaste orchestre une véritable symphonie : la bande-son, mélange de chanson d’auteur, de rock et de flamenco, dirige cette orgie de sens et de formes, de paroles volatiles et de mots figés sur le papier ou sur l’écran. Chaque film est un exercice «d’essai-erreur», où le tournage et ses imprévus acquièrent la même importance que le montage et le doublage.
Producteur musical, animateur radio, joueur professionnel de casino et de poker, apoderado [manager] de toreros…, GarcÃa Pelayo a autant révolutionné le panorama musical et cinématographique que le monde des jeux de hasard. Sa carrière cinématographique, singulière et créative, reste cependant méconnue. L’échec commercial de ses films et la faible adhésion de la critique le firent s’éloigner du cinéma.
Ce n’est que récemment que de jeunes cinéphiles et des historiens du cinéma espagnol ont commencé à explorer et à revaloriser son œuvre, qui a fait l’objet d’une rétrospective à la Viennale (Viena International Film Festival) 2013, et enfin rencontré l’enthousiasme du public international.
Le Jeu de Paume présentera pour la première fois en France, une rétrospective intégrale de ses films: Manuela (1975), Vivir en Sevilla (1978), Frente al mar (1978), Corridas de alegrÃa (1982) et RocÃo y José (1983).
Sa dernière création, AlegrÃas de Cádiz (2013), marque son retour au cinéma après trente ans de silence et sera présentée en avant-première. En présence du réalisateur, des critiques, des historiens du cinéma et des cinéastes espagnols et français animeront une série de discussions autour de son oeuvre.
Deux temps forts rythmeront cette programmation: une journée spéciale autour du flamenco et la musique underground des années 1970, avec une discussion entre le cinéaste, Jean-Marc Adolphe, journaliste et critique de danse, et Pedro G. Romero, artiste, suivie d’un concert de la cantaora sévillane Inés Bacán.
Second temps fort, le dernier week-end du cycle présentera l’œuvre restaurée d’un autre cinéaste méconnu, Paulino Viota. Cinéaste espagnol hétérodoxe et professeur de cinéma, Paulino Viota commentera l’oeuvre de GarcÃa Pelayo et présentera sa propre filmographie, pratiquement inédite en France et totalement singulière avec deux de ses trois longs métrages, Contactos (1970, projeté une première et seule fois par Henri Langlois à la Cinémathèque française, en 1971) et Cuerpo a cuerpo (1982), et une sélection de court-métrages.
Le Jeu de Paume propose donc un rendez-vous avec deux oeuvres cinématographiques singulières de l’underground espagnol du franquisme tardif et de la Transition, profondément ancrées dans leur temps mais tournées vers l’avenir par leur volonté d’expérimentation. Oubliés pendant près de quarante ans, ces films peuvent aujourd’hui être considérés, parmi les plus vivants du cinéma espagnol.
Marina Vinyes Albes