Travail commencé il y a trois ans, «Vitae Nova» regroupe une série de photographies d’Eric Aupol réalisées auprès de migrants ou de personnes en marge de la société. Son sujet est centré sur les lieux dans lesquels ils sont accueillis pour une durée plus ou moins longue. A la prise de vue, il fait correspondre un portrait à une photographie de lieu, espace de vie ou de travail.
Dans cette exposition, ce sont les lieux qui occupent le devant de la scène. Pour la plupart, ils appartiennent au cadre des migrants. Espaces étriqués, souvent identiques partout en Europe, ils se caractérisent par leur fonctionnalité et leur neutralité, reflétant une totale absence d’appropriation de ces lieux de transit. Les murs et les tables sont vides, lisses, blancs. Une seule photo vient nous livrer une trace humaine en nous montrant deux piles de vêtements pliés sur un appui de fenêtre.
Le traitement qu’il applique aux couleurs tend à renforcer cette idée de neutralité. La pose longue permet de capturer les différentes intensités de lumière, de pousser les contrastes pour, bien que l’on soit en couleur, accentuer l’apparition du noir et du blanc qui vont sculpter les formes et structurer l’image.
La plupart de ses cadrages s’organisent autour d’une fenêtre qui laisse à peine distinguer ce qu’il y a au dehors. Soit elle est barrée par des rideaux, soit par un store aux lamelles entrouvertes ou alors par un papier calque qui diffuse une lumière blanche nacrée. Il n’y a pas d’horizon en vue, les univers sont clos. Pas de traces du passage des vies et pas d’indices vers un futur possible.
A première vue, cette vision des lieux contraste avec les portraits de migrants qu’il réalise. Ce n’est plus la neutralité ou le caractère éthéré qui caractérisent son approche des personnes mais bien l’accent mis sur une présence physique qui frappe par sa rugosité toute terrienne. Toutefois, les identités individuelles tendent à disparaître dans la prise de vue en contre-jour où la lumière forte du fond dissimule les corps et les visages dans l’obscurité. La lumière montre tout autant qu’elle cache, le contre-jour mettant l’accent sur la dualité dedans et dehors, ombre et lumière, enfermement et liberté, passé douloureux et espoir d’un avenir meilleur.
Photographe de la contemplation et du silence, Eric Aupol semble toujours garder un regard emprunt de sérénité. Dans l’épure, la solitude dégagée par les lieux, il exprime une paix qui pourrait sembler contradictoire avec son sujet.
Cette impression s’explique par le fait qu’il s’intéresse ici à ce qui relie la communauté des migrants en Europe, dérobant à notre vue tout ce qui pourrait relever de l’histoire personnelle. Il figure des lieux de l’indéterminé, des personnes qui sortent de l’ombre. S’en dégage une ambiance de limbes, lieu flottant, toujours entre-deux, ni l’enfer ni le paradis.
Å’uvres
— Eric Aupol, VitaeNova08, 2010. Photo cprint. 63 x 45 cm
— Eric Aupol, VitaeNova10, 2010. Photo cprint. 65 x 55 cm
— Eric Aupol, VitaeNova11, 2010. Photo cprint. 103 x 68 cm
— Eric Aupol, ViateNova#5, 2010. Photo cprint. 80 x 80 cm
— Eric Aupol, ViateNova#10, 2010. Photo cprint. 80 x 80 cm