Stephen Dean, Edith Dekyndt, Richard Fauguet, Michel François, Dominique Gonzalez-Foerster, Eric Hattan, Pierre Huyghe, Ann Veronica Janssens, William Kentridge, Ange Leccia, Tania Mouraud, Philippe Parreno, Hugues Reip, Edith Roux
Visuellement vôtre
Le pouvoir de fascination de l’art, entre plaisir sensuel et intellectuel, semble naître du double mouvement entre échos intimes et projection vers l’inconnu. De façon assez mystérieuse, par sa force intrinsèque, par ses caractéristiques irréductibles d’image plastique, l’art suscite des effets manifestes et spécifiques dans nos connexions sensibles, internes et externes, quel que soit son sujet ou ses moyens.
Depuis de nombreuses années, sous diverses formes, l’art est colonisé par l’intelligence critique et par une vocation sociale qui ne dit pas son nom. Pour les pires raisons, l’art servant de valeur refuge et de baume apaisant pour des sociétés sans vision, et pour les meilleures, dont celles de transformer le regard, de s’ouvrir au monde et de donner du sens à ce qui ne semble plus en avoir. En définitive, l’art est loin de disposer de cette liberté inconditionnelle que les sociétés démocratiques semblent lui accorder. Et pourtant certaines Å“uvres manifestent une totale autonomie, sans qu’aucune justification intellectuelle ni sociale ne vienne les asservir.
William Kentridge s’intéresse autant à la mise en scène de théâtres ou d’opéras qu’aux arts plastiques, le dessin demeurant sans doute son mode d’expression le plus intime. Bien que ses «dessins animés» soient souvent considérés comme des films, il s’agit en réalité d’une technique particulière qui consiste à créer, puis gommer et retravailler minutieusement des dessins au fusain qu’il photographie et projette sur écran. Le mouvement est ensuite créé manuellement par l’artiste. Dans son œuvre Shadow Procession, l’artiste utilise des figures de papier découpé (dessins au fusain), des objets tridimensionnels et des extraits du film Ubu tells the truth.
Eric Hattan s’immisce, quant à lui, dans l’espace public ou privé par des sculptures et des installations éphémères, et joue avec le spectateur en proposant des visions contradictoires d’une même réalité. L’œuvre Speed présentée ici, consiste en un long travelling avant filmé à la nuit tombée, de la fenêtre d’un train, focalisé sur la lune.
Dans son travail, Dominique Gonzalez-Foerster développe des environnements qui mettent en jeu une atmosphère émotionnelle très particulière, marquée d’allusions littéraires, biographiques et sensorielles. Son œuvre intitulée Ann Lee in Anzen Zone est une vidéo qui reprend un personnage issu de l’industrie des images de synthèse utilisé pour les fictions virtuelles ou télévisuelles japonaises et qui le dote d’une autre vie, qui le prolonge.
Toutes les Å“uvres présentées dans «Visuellement vôtre» ne sont pas porteuses d’un passé indépassable, elles ne sont pas nostalgiques d’un état d’avant l’histoire, ni prometteuses de sociétés utopiques, elles ne relèvent pas de stratégies conceptuelles et n’offrent pas non plus d’émotions faciles, ni de subterfuges cachés, rassurants ou déstabilisants, pour susciter l’attention.
Pourtant leur présence subjugue le spectateur. Elles cristallisent sens et effet par leur seule incarnation plastique. L’exposition rassemble des Å“uvres vidéo où la puissance de l’image joue de ses rebondissements pour provoquer une jouissance visuelle intense et libératrice.
Commissariat
Jackie-Ruth Meyer