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Virginie Barré

Virgine Barré dit appartenir à «une génération d’artistes assez décomplexée», postérieure aux appropriationnistes des années 80: «Je suis pour une pratique consciente et désinvolte de l’art et cela convoque et déjoue la question de l’auteur — parfois mieux vaut se comporter comme une Indienne Piegan avec crânerie et hardiesse!»

Par Samantha Longhi

Samantha Longhi: Tu vis en Bretagne, tu es représentée par Hervé Loevenbruck à Paris. Que penses-tu des rapports entre les régions et la capitale dans la scène artistique contemporaine et dans son marché?
Virginie Barré: C’est vrai, il est difficile d’imaginer une visibilité en France sans être reconnu à Paris, mais il y a en province un réseau d’associations, de galeries et de centres d’art qui tentent de survivre aux réductions de budgets avec lesquels j’ai beaucoup travaillé avant d’exposer à Paris.
On peut voir ces réseaux comme de vastes terrains de jeux, les résidences et expositions comme autant d’occasions d’expérimenter des idées nouvelles. C’est comme ça que je l’ai vécu: en écrivant une nouvelle de genre «pulp» et en concevant des flips books en photocopie à la friche Belle de Mai à Marseille, en réalisant une bande dessinée truffée d’emprunts aux Cahiers du cinéma découverts à la bibliothèque de la Villa Arson à Nice.
Vivre en Bretagne, c’est pour moi avant tout une qualité de vie et de concentration. J’y travaille mieux parce que j’y suis plus au calme, que j’ai plus de temps à consacrer à mon travail… Mais, à mon sens, tout ça fonctionne uniquement si par ailleurs on voyage beaucoup !

Comment as-tu commencé l’art contemporain, d’une part, et comment en es-tu venue à travailler avec des mannequins, d’autre part?
Aux Beaux-Arts de Nantes j’ai commencé à travailler sur des représentations de corps très abstraites en bâches de camions remplies d’eau.
J’ai réalisé mon premier corps plus réaliste en 1999. L’exposition s’appelait «Pauvre Jack»: le corps de Jack était fabriqué comme un pantin de bois et recouvert de papier en guise de muscles, puis habillé de vêtements. Le corps n’avait ni bras ni tête. On voyait la supercherie de ce corps tronqué dans un second temps en avançant dans l’espace d’exposition.

Il y a un effet très tendance. Que penses-tu par exemple du travail de Kader Attia ou de Gilles Barbier?
Il n’y a aucun effet tendance. Au contraire, la représentation des corps est un des premiers gestes artistiques de l’histoire de l’homme. De la statuaire égyptienne, grecque, romaine aux gisants, du cimetière des Capucins de Palerme à l’œuvre de Duane Hanson, cette préoccupation est ancestrale et jalonne toute l’histoire de l’art sans interruption! Ce qui me passionne dans tout cela a souvent à voir avec notre fin, c’est l’omniprésence de la mort qui émane de ces sculptures.

Et quel est ton avis sur la scène artistique dite émergente que présente l’exposition «Notre Histoire»?
Oh, c’est difficile de s’exprimer là-dessus, on pense forcément à ceux qu’on aurait voulu avoir à côté de soi… Je regrette notamment le peu d’artistes femmes présentes. Cette quasi-absence des artistes femmes dans l’art contemporain est un réel problème, exactement comme dans tous les domaines où s’exerce un certain pouvoir de toute façon. Je pense qu’on doit avoir une plus grande vigilance à cet égard. Cependant, c’est important qu’il y ait aussi des manifestations de ce genre. Je crois qu’il ne faut pas avoir peur de toucher un public plus large.

Comment s’est effectué ton choix concernant les deux pièces exposées? Fatbat et D représentent deux personnages issus du monde des superhéros, toujours en lutte contre le «mal». J’ai joué pour ces pièces sur les jeux d’échelle en rendant Batman adipeux et Edna Mode minuscule.
Ces pièces acquièrent une dimension parodique dans le redoublement de leur réalité Fat Bat devient un super-normal, un reflet médiocre de nous-mêmes, et une tentative d’échappée à ce manichéisme un peu mièvre qu’il incarne.

C’est une imagerie que tu te réappropries mais cette démarche interroge beaucoup la notion d’auteur et de création.
J’appartiens à une génération d’artistes assez décomplexée. Les appropriationnistes sont passés par là dans les années 80 déjà. Je suis pour une pratique consciente et désinvolte de l’art et cela convoque et déjoue la question de l’auteur. Je pense que parfois mieux vaut se comporter comme une Indienne Piegan avec crânerie et hardiesse !

Quels sont tes projets à venir?
Mes expositions d’été sont à:
— Sète, au Miam, «Bang, Bang» du 28 mai au 28 novembre 2006
— Paris, «big», galerie Loevenbruck du 1er juin au 24 juin 2006
— Rennes, 40 M3, «L’ambassade des possibles» du 3 juin au 29 juillet 2006
— Saint-Cyprien, «Nous nous sommes tant aimés» du 10 juin au 30 septembre 2006
— Brest à Passerelle, «Sol Système» du 24 juin au 17 septembre 2006
— Angers à l’Abbaye de Ronseray, du 30 juin au 20 septembre 2006
— Fontenay-le-Compte, du 8 juillet au 14 octobre 2006
— Saint-Tropez, à la citadelle du 11 juillet au 8 octobre 2006
— Altrirch, «Coup de cœur 4-5 : Nouveaux Horizons» du CRAC Alsace le 10
septembre 2006
Un dessin animé aux éditions DVDart, sortie en octobre 2006
Et une exposition personnelle à New York en novembre 2006 à la Parker’s Box.

Traducciòn española : Maï;té Diaz
English translation : Margot Ross

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