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Vinter



Après Anders Petersen, la Suède est de nouveau à l’honneur à la Galerie VU. Le photographe Lars Tunbjörk livre un portrait sans concession de son pays et de ses habitants, en subvertissant toujours avec humour, souvent avec cynisme, les clichés de la neige immaculée, des sapins et des rênes.

 

Ainsi ce qui se présente de prime abord comme un chalet douillet et accueillant, au toit couvert de neige, se révèle être un de ces pavillons sans âme inventé par et pour l’individualisme moderne, où l’on vit retranché dans la crainte de toute intrusion: deux bergers allemands, prêts à attaquer, en défendent jalousement l’entrée.

 

Autre image écornée, celle de l’enfance : un garçon de quatre ou cinq ans, joufflu et rose comme un poupon, se tient debout, raide comme un soldat, et si la physiognomonie était encore de rigueur, on décèlerait sans doute en lui un futur dictateur. Il porte cravate, tandis que l’adulte qui l’accompagne, son père sans doute, est plus négligé : démission des adultes ? Inversion des rôles ? Dans tous les cas, l’innocence n’est apparemment plus de ce monde.

 

Quand elle est le sujet de la photo, la neige n’est jamais blanche mais d’un gris sale et laid : c’est la neige des villes, souillée et boueuse. Pied de nez à la « Suède éternelle », un bonhomme de neige, noir de crasse, affiche avec un grand sourire son visage amputé de la carotte qui, d’ordinaire, lui tient lieu de nez. Manière aussi, peut-être, de décevoir «l’horizon d’attente» du spectateur et de se moquer de lui.

 

Les images de Lars Tunbjörk font état d’un monde presque inhabitable mais où nous devons bien vivre. Passé l’humour, ses images glacent et l’on reste avec cette question : combien de temps faudra-t-il endurer la froideur de la vie moderne, et y a-t-il, pour la supporter, une autre solution que de devenir les fantômes de nos vies, comme ce portrait rapproché et en grand format d’une jeune fille blonde au regard désespérément vide ?

 

Par le traitement de l’image comme par les sujets, tirés du quotidien prosaïque et médiocre de la modernité, les photos de Lars Tunbjörk ne sont pas sans faire songer à celle de Martin Parr. Avec toutefois cette différence que le photographe anglais joue davantage avec la rutilance des objets, de la nourriture et de la chair, qu’il pousse jusqu’à la nausée. Lars Tunbjörk, lui, choisit la dérision et le cynisme, pour ne pas mourir d’effroi.

 







Lars Tunbjörk

— Karlskrona, 2006. Photo. 153 x 124 cm
— Sundsvall, 2007. Photo. 88 x 70 cm
— Kiruna, 2004, Photo. 60 x 50 cm
— Stockholm, 2006. Photo. 88 x 70 cm

 


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