Pièce composite, Ensemble Ensemble (2017) de Vincent Thomasset (Cie Laars & Co) plonge dans la chair du verbe. Chorégraphe, metteur en scène, dramaturge, avec Ensemble Ensemble, Vincent Thomasset fait danser corps et mots. Éclats de voix, mains qui cherchent à appuyer un propos, banalités et réalités… Plus se creuse la recherche d’une sincérité dans le discours, plus se révèlent les artifices de son expression. Sur scène, Ensemble Ensemble cultive d’abord l’épure. Dans une ambiance en clair-obscur, quatre interprètes dansent et parlent. Deux femmes, deux hommes — Aina Alegre, Lorenzo De Angelis, Julien Gallée-Ferré, Anne Steffens. Mais les rôles se brouillent. La sonorisation introduit du décalage, et celui qui parle n’est peut-être pas celui qui parle. Doublage. Une voix dit, mais c’est un autre corps qui lui donne ses gestes. Dans une alternance de récits conjuguant phrases verbales et phrases chorégraphiques. À la lisière d’un nouveau langage des signes.
Ensemble Ensemble de Vincent Thomasset : une pièce sonore et chorégraphique
Alternant danse et discours, Ensemble Ensemble puise dans le répertoire de la musique baroque, interprétée au clavecin. Tout en y entrelaçant des créations contemporaines de Benjamin Morando et Gabriel Urgell Reyes, du groupe néo-baroque The Noise Consort. Lesquels ont notamment créé, pour la pièce Ensemble Ensemble, le morceau Y a combien de lettres dans ce que je veux dire. Une texture musicale qui concourt elle aussi au brouillage des pistes, en décadrant époques et contextes. Des épaules qui se voûtent, des mains qui s’ouvrent comme pour peser l’air, ou le poids d’un argument… Les deux duos masculin-féminin interprètent la même partition verbale, chacun à sa manière. Un peu en retrait, dans la pénombre, Anne Steffens et Julien Gallée-Ferré interprètent un texte rejoué en simultané par Aina Alegre et Lorenzo De Angelis, dans la lumière. Histoire de double et d’amplification auto-réflexive, Ensemble Ensemble jongle aussi entre monologues intérieurs et dialogues.
Histoire de vie et de dédoublements : un cheminement de mots, de gestes et de voix
À la base d’Ensemble Ensemble il y a ainsi l’histoire de carnets intimes, d’une femme, trouvés dans un vide grenier en 1999. Une rencontre en différé, à laquelle viendra se greffer, plus tard, une émission radiophonique donnant une texture sonore à cette voix écrite. Avec la pièce chorégraphique, ce sont des propositions de corps qui s’adjoignent au tableau. Trois des interprètes sont danseurs. Leurs gestes, viennent alimenter le fil d’une existence qui se raconte. Qui raconte la rencontre, le rapprochement, l’éloignement. En neuf parties ponctuées de séquences chorégraphiques et musicales, comme autant d’étapes dans le cheminement d’une vie. La danse y est construite à partir des propres récits des interprètes. Lesquels ont été filmés, en amont, tandis qu’ils expliquaient comment ils en étaient arrivés là . À savoir : devenir interprètes. Gestuel qui affirme, hésite, tâtonne… Ensemble Ensemble démultiplie ainsi les possibles. Pour une pièce sonore et chorégraphique à choix multiples.