Dean Monogenis
View Break
La peinture de Dean Monogenis donne à voir des architectures, le plus souvent modernistes quelques fois contemporaines, dans des environnements naturels, privés de figures humaines. Les bâtisses, en construction ou en ruine, sont isolées dans des paysages difficilement identifiables. Archéologies du présent, traces d’une civilisation récente et en perpétuelle évolution, les univers décrits par Dean Monogenis ont la particularité de souligner le moment de passage, la lutte entre une urbanisation massive et une nature qui demeure résistante. Ainsi, ce sont surtout les éléments structuraux, les ossatures et les matériaux comme les échafaudages de Longevity Rises (2010) ou comme les pylônes présents dans Rescue the Restive (2013) et Ronda (2013) par exemple, que le peintre s’attache à montrer.
«View Break» — le titre de l’exposition —, renvoie à un terme immobilier spécifique qui définit la limite au-dessus de laquelle les vues environnantes ne sont plus obstruées par les bâtiments. Dans la majorité des Å“uvres réalisées pour la présente exposition, les maisons sont accrochées à des falaises telles les Å“uvres Athos (2013), P.O.V (2013) ou suspendues comme des cocons, citons entre autres Facing East (2013), The Other Way (2013). De cet ensemble se dégage d’emblée le sentiment de projection de celui qui surplombe le monde.
La recherche de la «meilleure» vue est ancrée en nous depuis des millénaires, qu’il s’agisse des maisons de Malibu en Californie ou de sites bien plus anciens comme Meteora en Grèce et la ville sainte de Lhassa au Tibet. «Il y a bien sûr un aspect psychologique important à vouloir habiter un tel endroit, à commencer par celui de le posséder. Mais c’est le message que véhicule un espace de projection vers l’extérieur qui m’intrigue», explique Dean Monogenis. A travers l’architecture, c’est le sentiment d’appartenance propre à une culture qui intéresse le peintre.
Dean Monogenis travaille à partir de sa propre collection d’images accumulées lors de voyages ou trouvées sur Internet. La réalité architecturale que Dean Monogenis prend soin de reproduire avec précision, est sans cesse perturbée par un choix de coloris fantaisistes et l’insertion d’éléments graphiques abstraits. Le savant mélange opéré entre les zones peintes à la main et les éléments appliqués au pochoir sur panneaux de bois ou de plastique, la présence de lignes ou de damiers, les jeux de couleurs non naturelles, la superposition des surfaces annulant toute notion de premier plan ou d’arrière plan, nous plongent dans un état de doute et de sourde confusion propre à la vraisemblance.
En observant les utopies récentes et en traitant ses symboles de la sorte, Dean Monogenis pointe la différence entre ce que nous pouvons penser et ce que nous voyons, ce dont nous rêvons. Face à l’idéologie du progrès associée à une pensée moderniste résolument tournée vers l’avenir, Dean Monogenis marque les moments de transitions et de mutations, lorsqu’il est souvent complexe de déterminer les éléments premiers, et insiste ainsi sur le principe d’incertitude. La force du travail de Dean Monogenis réside dans sa capacité à allier le regard de l’observateur sur le monde à la métamorphose de celui-ci dans une même image.