Rozenn Quéré et Yasmine Eid-Sabbagh
Vies possibles et imaginaires
Vies possibles et imaginaires est une mise scène, un livre, une exposition photographique, une installation sonore ou encore un environnement qui invite le spectateur-lecteur à s’immerger dans une histoire et à voyager au gré des souvenirs et des anecdotes de quatre sœurs palestino-libanaises du XXe siècle.
Les deux photographes, Rozenn Quéré et Yasmine Eid-Sabbagh, puisent leur matière dans des récits, des entretiens, des témoignages et dans des photographies de familles. Ainsi mêlé à des images du passé, à des événements vécus, l’ensemble se construit comme une relecture de souvenirs imprécis et confus qui oscillent entre fiction et réalité.
Le titre donne le ton. Tendre, parfois drôle et fantasque, parfois teintée d’ordinaire et de rêve, la pièce se joue. Vies possibles et imaginaires se présente comme une trame narrative et biographique à laquelle se superpose subtilement, ici et là , la réminiscence d’une mémoire marquée par la guerre civile, les crises et les conflits du Liban, l’exil, la séparation et l’absence.
Rozenn Quéré et Yasmine Eid-Sabbagh rembobinent, réécrivent l’histoire et retracent l’itinéraire de quatre sœurs, éloignées par la guerre au Liban et séparées par des choix, des chemins différents. Ces bribes d’histoires sont réunies dans un livre, un genre d’album de famille, qui se donne à voir, à lire, à vivre sous la forme d’une pièce de théâtre: 4 actes, 27 scènes.
Chaque scène est dédiée à une évocation, à la parole d’une sœur, chaque acte est amorcé par des photos d’identités des quatre sœurs, témoins du temps qui passe.
Au fil des pages et des photographies, nous découvrons leur exil entre les années 1940 et aujourd’hui et faisons la connaissance de Jocelyne, l’aînée, partie se réfugier en Italie avant de s’installer au Caire, des jumelles, Graziella établie à Beyrouth et Stella émigrée à New York, et de Frieda, la benjamine, installée à Paris.
Les deux artistes brouillent les pistes et les interprétations possibles en articulant des témoignages qui se complètent ou se contredisent, en juxtaposant des images d’archives qui documentent, démontrent, et des photographies aux contours flous, manipulées, troublantes et poétiques. Elles se plaisent à mêler différents univers révélant ainsi l’étrangeté du quotidien, le spectre de certains souvenirs, la fiction de la réalité et la mémoire intime et collective.
Au détour des cimaises, l’imaginaire du spectateur s’envole et les interrogations subsistent. Rozenn Quéré et Yasmine Eid-Sabbagh composent une histoire au présent, contemporaine, vivante et animée, telle une romance embellie pour la gloire, dans ce qu’elle a de plus singulier et d’illusoire. Sensible, l’exposition «Vies possibles et imaginaires» parle de l’intime comme de l’histoire en marche et de l’universel.
«Loin du portrait objectif ou historique de Graziella et ses sœurs, nous nous sommes attachées, avec Vies possibles et imaginaires, à traduire l’extravagance et l’imagination de ces femmes, à donner à leurs affabulations le même statut qu’au réel. En d’autres termes, à travers l’articulation du texte et de la photographie d’archive, nous n’avons pas cherché à écrire leur histoire: nous avons voulu écrire leur mythe.»
Rozenn Quéré et Yasmine Eid-Sabbagh.