Vidya Gastaldon
Vidya Gastaldon
Fabrice Stroun : A qui ton travail s’adresse-t-il ?
Vidya Gastaldon : A tout le monde, non ?
FS : Tes dessins ne comportent aucun élément biographique et ne traitent pas, comme la plupart des œuvres de tes contemporains, de notre relation à la culture, mais montrent d’étranges visions ou phénomènes cosmiques comme la genèse, la «transmigration»… Peut-être devrais-je plutôt te demander «d’où» t’adresses-tu ?
VG : Parler de choses futiles ne ferait qu’enfermer ce que j’essaie de faire naître et le rendre incommunicable. Krishnamurti dit de l’acte de créer: «L’inspiration ne doit pas venir du « je ». La beauté, c’est l’abandon total du soi, et avec l’absence totale du soi, il y a « cela ». Ce «cela» est ce que j’ai de plus fondamental et, par là même, de plus absolument commun à l’Autre. C’est ce «cela» que j’essaie de sentir et de donner à voir.
FS : Depuis une dizaine d’années, tu fais beaucoup usage dans ton travail «d’effets de paysage». Pourrais-tu m’expliquer d’où te viens cette attirance ?
VG : Il y a plusieurs raisons à cela. Le paysage est la forme la plus appropriée pour évoquer un certain état de contemplation. Il s’agit également d’une métaphore de la conscience et «des» consciences; la conscience comme un plan donné, avec ses déserts, ses sommets et toutes les variations de hauteur entre les deux… D’où le fait qu’il y ait parfois dans mes œuvres plusieurs paysages les uns au-dessus des autres, ou imbriqués les uns dans les autres. Certains naissants à peine, minuscules, d’autres plus grands, etc.
Et puis, surtout, c’est le canevas idéal pour faire apparaître des visions. Souvent ce que je dessine naît ou est simplement contenu dans un paysage – et c’est là que ça se complique… A partir de la simplicité des «éléments» (terre, air, plaines, végétations, collines, montagnes, nuages, etc.), quantité de choses peuvent s’enraciner, pousser, s’étendre, exploser, se reproduire, flotter, voler, fondre, vivre, rire et mourir… pour enfin renaître et ainsi de suite. Lorsque ces principes de vie deviennent apparents, le «paysage» n’est plus qu’un moyen pour «microcosmer» ou «macrocosmer» d’autres réalités, plus ou moins tangibles.