Suite à la chute des régimes communistes, les villes semblent être figées dans un entre-deux. Coincés entre un passé qui perdure et l’espoir d’un renouveau, les populations et les artistes réinvestissent ces territoires marqués. Invités à déambuler dans cet espace ouvert, traversé de murmures et d’images muettes, notre curiosité est en éveil. Installés seul face aux écrans, la réalité du moment est éclipsée par les histoires et les témoignages de ces populations, dont les artistes se font les témoins.
Ainsi, Sportfrei, qui signifie littéralement «sans sport», d’Anna Klamroth explore les traces laissées par la politique socialiste en Allemagne. Ce document filmé dans une ancienne piscine olympique de Berlin, occupée aujourd’hui par les jeunes du quartier montre cette superposition du passé et du présent.
The Boy with a Magic Horn, d’Damir Ocko interroge également cette période de transition. Dans un hôpital universitaire de Croatie (l’un des projets les plus ambitieux de ce pays) laissé à l’abandon et envahi par la nature, des personnages masqués déambulent dans un jeu onirique. L’artiste prend possession de cet interstice. Entre ce qui a été, ce qui est, et ce qui serra, il reste les rêves et les croyances.
Un vent électrique souffle sur Rahova, une cité de la banlieue de Bucarest. David Možny développe autour des architectures froides et inhumaines de cette cité les notions d’utopie et d’hétérotopie. Proche de la culture électro, il extrait de la réalité une fiction inquiétante dans laquelle l’homme est absent et les blocs de bétons animés.
On retrouve cette esthétique froide et numérique dans Zooooooom de Mircea Cantor. Cette œuvre en 3D interroge elle aussi la notion de transit, entre ordre et désordre, l’image devient critique et questionne l’idée de pluralité des futurs et des possibles.
Dans ces villes en reconstruction, la population aussi est tiraillée entre passé et futur. Dmitri Makhomet revient dans son village natal de Biélorussie. Malye Azerki, extrait de l’oubli ces laissés pour compte du renouveau. Abandonné progressivement par les jeunes générations, le village s’éteint. La caméra de l’artiste s’infiltre dans les foyers où le temps est suspendu. Le film se présente comme une collection de fragments dont les gestes, les respirations et les regards de ces vieillards semblent sortir d’une autre époque.
A Real Game d’Adrian Paci et The Tequila Gang de Miklós Erhardt explorent deux autres versants de la marginalisation. L’un prend sa fille à partie et la questionne sur sa vie, ses origines, sa culture. Immigré albanais, cet artiste décrypte le sentiment de perte spirituelle. L’autre confie des caméras à un groupe de sans-abris vivants à Budapest. De leurs récits c’est la question de l’identité qui ressort.
Dans la petite nef, la part belle est faite au travail de Veaceslav Druta, ancien étudiant du Fresnoy. Il revient ainsi sur les traces de son enfance en Moldavie dont il tire les images de souvenirs heureux. Le passé interroge le présent de l’artiste et l’angoisse se fait sentir. En effet, la menace de la perte de son visa affleure dans chacune de ses œuvres.
Balançoire rompt avec la domination du médium vidéo et nous invite à la participation. Notre balancement entraîne les deux roues qui encadrent la balançoire, la position de nos mains règle le ton de la variation musicale programmée par l’artiste. Cette boite à musique dégénérante nous entraîne vers le monde de l’enfance, entre nostalgie et inquiétude.
Vidéos Europa fait le choix de l’observation et de l’intime. Enfants de l’implosion, ces artistes nous invitent au voyage à travers les strates de l’histoire et le quotidien des populations.
Anna Klamroth
— Sportfrei, 1999. Film 16mm transféré sur vidéo N&B. 13’00.
Damic Ocko
—  The Boy With a Magic Horn, 2007. Vidéo. 15’30.
Dmitri Makhomet
— Malye Azerki, 2006. Vidéo DV Sonore Couleur. 23’00,
Miklós Erhardt
— The Tequila Gang, 1998. Vidéo sonore couleur. 57’00
Veaceslav Druta
— Sauts, 2007. Vidéo.