ART | CRITIQUE

Videodyssey

PAnthony Poiraudeau
@12 Jan 2008

La galerie Anne Barrault présente «Videodyssey» conjointement à la Parker’s Box (galerie new-yorkaise de Brooklyn): sept artistes vidéastes choisis par Alun Williams, directeur de la Parker’s Box.

Chacune des vidéos dispose d’un accrochage spécifique, selon la hauteur et la taille de l’image sur la cimaise, selon qu’il s’agisse d’une projection ou d’une diffusion sur moniteur, et selon la disposition du moniteur. Deux vidéos sont projetées aux murs (les autres sont visibles sur moniteurs): l’œuvre de Philippe Bazin et celle de Simon Faithfull. Trois des sept vidéos sont également sonores: celles de Steven Brower, d’Agnieszka Kalinowska et de Jason Glasser.

The Jesuses de Patrick Martinez est présenté sur un moniteur accroché verticalement et en hauteur, comme un crucifix. L’œuvre est un montage très rapide de photogrammes de nombreuses représentations du Christ en croix, de Descentes de croix et de Dépositions du Christ, issues de la peinture classique.
L’artiste n’a extrait des peintures que le corps du Christ, sans son environnement pictural. La vidéo se déroule sur fond noir. Les postures du Christ sont suffisamment proches les unes des autres pour que leur montage rapide produise une animation cohérente.
La séquence commence avec le Christ crucifié, se poursuit avec le corps penchant vers la gauche jusqu’au sol, comme s’il chutait, repasse progressivement à la station verticale avant de chuter à nouveau vers le côté droit.
Le corps allongé au sol clôt l’œuvre. Les variations de postures d’une image à l’autre donnent au corps animé des convulsions et des sursauts de douleur, hors de tout autre contexte visuel que le fond noir permanent.

Sur fond de musique rock, Le Lion et l’oiseau de Jason Glasser est une vidéo d’animation où un lion poursuit un pigeon. Par des procédés informatiques, l’artiste insère sur un fond jaune des dessins filmés en super 8 noir et blanc.
Les animaux qui évoluent au milieu d’éléments paysagers changent de morphologie et deviennent des créatures fantastiques, le lion n’ayant plus que ses deux pattes avant pour tout corps, ce qui lui donne une stature verticale évoquant un être hybride, mi-homme mi-lion.

L’ensemble des autres œuvres semble questionner — entre autres et chacune à sa manière — le caractère partiel de notre perception de l’espace. Cross Country, de Mike Rogers, est un enregistrement en super 8 de la traversée des États-Unis, d’est en ouest, que fit l’artiste en voiture. La vidéo montre en accéléré, et derrière le pare-brise, la progression constante du véhicule sur les autoroutes. Les milliers de kilomètres parcourus se réduisent alors à des variations progressives d’intensité lumineuse et de conditions météorologiques. Le territoire disparaît derrière la présence obstinée de la route et du ciel.

Conrad Carpenter’s Ladder, de Steven Brower, montre un astronaute américain en train de gravir sans fin une échelle. La blancheur et la brillance de son équipement tranchent sur le noir sans fond de l’espace où il évolue. Cet homme seul ne semble aller nulle part, si ce n’est dans le vaste espace que les missions pionnières américaines ont voulu annexer, mais qui nous reste tout à fait opaque.

Dans Ski centre, Philippe Bazin montre en plan fixe une station de ski après l’hiver. Ce territoire de plaisance très aménagé est alors vu à l’arrêt, désœuvré, comme au dépourvu. La remontée mécanique inactive est le témoin muet du vent et de l’alternance d’éclaircies et des dernières averses de neiges, entre lesquelles la neige fondra bien vite.

Dans Well, That Is What Everybody Thinks About Us Militaries…, d’Agnieszka Kalinowska, de jeunes marins militaires conversent dans une salle en regardant au-dessus d’eux, sous le regard de ce qui les surplombe. Ils semblent décrire, dans une langue incompréhensible, et avec pénétration, ce panorama invisible. Ensuite, l’un d’eux, une femme, revient dans la salle et s’adresse à elle-même, les yeux toujours rivés vers le haut, pour confier ses espoirs et ses peurs, dans la perspective du long voyage que sa carrière va lui faire entreprendre.

Escape Vehicle n°6, de Simon Faithfull, retrace le voyage d’une chaise accrochée à un ballon-sonde. On la voit survoler la ville, traverser les nuages et trouver la lumière du soleil. Puis surplomber la vaste mer de nuages sans ne plus voir le sol, mais en distinguant la courbure de la Terre. La chaise devient alors la proie de vents très violents, avant d’entamer sa désintégration.

English translation : Rose Marie Barrientos
Traducciòn española : Maïté Diaz Gonzales

Jason Glasser
— Lion & Oiseau, 2005. Vidéo et Master DVD.

Mike Rogers
— Cross Country, 2002. Vidéo, film super 8mm transféré sur DVD. Edition de 100.

Agnieszka Kalinowska
— Well, That is What Everybody Thinks About U.S Militaries…, 2005. Vidéo. Edition de 5.

Simon Faithfull
— Escape Vehicle no.6, 2005. Projection vidéo.

Patrick Martinez
— The Jesuses, 2005. Vidéo. Edition de 5.

Philippe Bazin
— Ski Centre, 2005. Vidéo, vidéo projection.

Steven Brower
— Conrad Carptenter’s Ladder, n.d. Vidéo.

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