La galerie Anton Weller réfléchit sur ce que peut être un lieu d’exposition, questionne celui-ci au point d’en faire une problématique: penser l’accrochage des œuvres et non pas seulement montrer les œuvres. Lorsque celles-ci sont des dispositifs de l’image en mouvement, l’enjeu devient l’espace même de la projection.
Le travail de Wyn Geleynse (à l’honneur avec cinq œuvres) s’inscrit dans l’histoire de la représentation occidentale. Il mêle peinture, photographie, film ou vidéo pour construire des illusions tout en affichant les procédés mis en œuvre. A partir d’un souvenir d’enfance, l’interdiction d’entrer dans la chambre des parents, il crée Spare Bedroom (1996). Le dispositif consiste en la projection d’un film 16 mm en noir et blanc sur l’image d’un miroir située au sein d’une photographie en couleur qui représente une chambre à coucher. L’image en noir et blanc, montée en boucle, montre un homme nu, blotti dans un coin. Le miroir représenté qui la reçoit se trouve au-dessus d’une coiffeuse. Une chaussure est là , sur le tapis, qui fait de ce décor un lieu de vie. Le contraste du film en noir et blanc au sein d’un espace statique de couleur inscrit une tension entre deux modes temporels. Et l’intégration de l’un dans l’autre produit un micro-récit, ou plutôt une narration amorcée, presque avortée. «Instant décisif prolongé» selon l’artiste.
Le spectateur ne déambule pas comme dans l’installation monumentale d’un Bill Viola. Il est au plus près du dispositif tout en ayant une vue d’ensemble. L’échelle réduite fait de l’installation un espace du quotidien. Mais le caractère énigmatique des images enveloppe l’intimité ainsi instaurée d’un mystère.
Une autre projection 16 mm de Geleynse est présentée: I Was Caught up in the Trace of Imagining (1991). Le support de projection, verre dépoli cerné d’un cadre doré posé sur une étagère d’angle, évoque la photographie de famille. A l’image, le mouvement d’une main qui tourne les pages d’un carnet, et le geste d’une autre qui caresse le papier. Le son du projecteur ajoute à l’intimité de l’espace créé. L’artiste expérimente également la vidéo sur verre dépoli avec Hotel I (1999), œuvre qui tend vers la sculpture par le socle et la forme coudée du verre. L’apparition et la disparition d’un personnage sont mises en relation avec la variation de l’intensité lumineuse du paysage dans lequel il prend place.
Dans Faith et Vernissage (2001), il s’agit de dispositifs utilisant le VHS sur écran LCD. Vernissage montre une petite image incorporée dans un présentoir d’environ un mètre de hauteur. Scènes minimales de narration qui entrent en résonance avec la position du spectateur dans le dispositif.
Dans une boîte blanche à hauteur des yeux, une petite ouverture laisse voir l’image d’une pièce presque vide bordée de deux portes. Faith, une boîte dans la boîte. L’impression de confinement et d’isolement est rompue au moment où l’une des portes se gonfle alors que l’on ne peut déterminer si le son est celui d’une marche ou d’un coup porté contre la porte.
Le parcours de l’exposition offre également des vidéos projetées directement sur le mur comme La couverture (1997) de Christelle Familiari: une masse en perpétuelle transformation laisse apercevoir à travers les mailles de son enveloppe deux corps humains enlacés, mais quand l’humain disparaît sous la couverture, devient un troisième corps comme un mammifère marin; Se respirer (2001) d’Isabelle Lévénez qui, par un balayage et un flou des corps dans les Bains Gelert à Budapest associés à un martèlement sonore, traite le mystère du corps comme territoire. P’tit bonhomme (1996) de Samuel Rousseau joue sur la différence d’échelle entre l’image et le support. La vidéo projetée sur un escalier occupe la hauteur d’une marche: le personnage tel un lilliputien essaie de gravir ce qui est pour lui un véritable mur.
On peut également voir Untitled (Dvd sur plasma, 1999) de Mark Dean, image d’une femme, allongée mais redressée en position verticale, dont le souffle respiratoire est poussé à la démesure du soubresaut; Hypnotika (2001) de Cécile Hartmann, une vidéo en boucle sur moniteur, où les personnages désincarnés deviennent des miroirs en promenade, des porteurs de reflet. This way up (2001) de Carmela Uranga manifeste une forte présence du dispositif (une grande boucle du film 8 mm) en contraste avec le format carte postale d’une image instable.
Wyn Geleynse
— Despite Myself, I Was Caught Up in the Trace of Imagining. Projection 16 mm sur verre dépoli situé sur étagère.
— Faith, 2001. Vhs sur écran LCD dans boîte.
— Hotel 1, 1999. Projection vidéo sur verre dépoli monté sur socle.
— Spare Bedroom, 1996. Projection 16 mm sur photographie.
— Vernissage. Vhs sur écran LCD incorporé dans un présentoir.
Mark Dean
— Untitled (Twisted Motorcycle Gang), 1999. Dvd sur plasma.
Christelle Familiari
— La Couverture, Projection vidéo sur mur. 30 mn en boucle, 1997.
Cécile Hartmann
— Hypnotika, Vidéo, 2 mn en boucle, 2001.
Isabelle Levenez
— Se respirer, 2001. Projection vidéo sur mur. 12 mn en boucle.
Samuel Rousseau
— P’tit bonhomme, 1996. Projection vidéo sur escalier.
Carmela Uranga
— This Way Up, 2001. Projection super 8 sur mur.